Carolane a récemment publié sur TPL un petit guide pour bien organiser l’opération cannage. Parce que, oui, le cannage, ça demande de la préparation et surtout du temps et, nous le savons, dans la vie de parent, on doit courir, se dépêcher, être toujours productif, efficace à tout prix, aller droit au but, sans prendre de détour. Je suis tellement essoufflée parfois.
Ça m’laisse tout mon temps pour rêver
Même quand j’tiens plus d’bout sur mes pattes
J’suis toujours prête à m’envoler. »
Le chemin rapide et efficace serait d’aller acheter des conserves déjà toutes prêtes à l’épicerie. Pourquoi se casser la tête ainsi?
Parce que, quand je fais des tomates, j’ai un peu l’impression d’arrêter le temps, de le contrôler même, de faire comme mes matantes, ma mère, ma grand-mère, mon arrière-grand-mère et mon arrière-arrière-grand-mère. Le temps n’existe plus. Quand j’empote des tomates, des cornichons, du ketchup aux fruits, des confitures, des herbes salées, je reproduis les mêmes gestes qu’elles, nous devenons la même femme.
Je me souviens quand nous partions (ma grand-mère, mes tantes Céline, Francine, Martine, Ursule, Nicole et ma cousine Marie-Ève) cueillir des p’tites fraises des champs. Ma cousine et moi, nous les mangions au fur et à mesure pendant que mes tantes se râpaient les genoux dans le champs, su’l bord d’la route de nowhere. Nous riions, nous placotions, nous nous tappions sur les nerfs aussi un peu, mais ce n’était pas important, nous étions ensemble, on a mission. Je me souviens aussi que ma tante Francine disait de respirer fort l’odeur du fumier, comme ça nous ne serions pas malades cet hiver. Encore aujourd’hui, je redis la même phrase à mes enfants quand les cultivateurs viennent d’étendre et que ça pue dans l’auto entre Montréal-Québec.
La serveuse automate
S’en aller
Cultiver ses tomates
Au soleil »
Qu’est-ce que j’vais faire demain?
C’est c’que j’me dis tous les matins
Qu’est-ce que je vais faire de ma vie?
Moi j’ai envie de rien
J’ai juste envie d’être bien »
Juste pour travailler
Pour gagner ma vie
Comme on dit
J’voudrais seulement faire
Quelque chose que j’aime
J’sais pas c’que j’aime
C’est mon problème »
(La complainte de la serveuse automate, Starmania, Plamondon et Berger, 1978)
Merci à vous, les femmes de ma vie, de m’avoir transmis cette belle tradition culinaire que j’espère transmettre à mes enfants à mon tour. Cuisiner trad, ça donne un sens à la vie, tout simplement. C’est un antidépresseur, un anti-anxiogène. Je me sens groundée, en lien direct avec l’univers, rien de moins.