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Une petite histoire de placenta
Crédit: Mopic/Shutterstock

Par un beau matin de juin, j’ai donné naissance à mon fils sur le plancher de ma chambre. Peu après, les contractions ont recommencé.  J’ai alors expulsé cet organe fascinant : le placenta.

J’étais cette étudiante un peu nerd qui raffolait de son cours de biologie en secondaire 3. La masse molle et rouge vin qui venait de sortir de mes entrailles m’a donc vraiment intéressée. Il était plus gros que ce que je croyais. J’ai réalisé que, pendant toute ma grossesse, j’étais focusée sur le bébé. Je n’avais pas vraiment pensé au placenta.

Un organe sans qui rien de tout ça ne serait possible. Un organe qui filtre, oxygène, nourrit. Qui gère les échanges de sang entre la mère et le fœtus. Ma sage-femme a pris le temps de bien me le montrer. La membrane était encore intacte. On pouvait s’imaginer facilement de quoi avait l’air la petite maison dans laquelle mon fils avait fait son incroyable voyage.

Elle m’a ensuite proposé de faire une impression placentaire. La technique est simple : il suffit de prendre une grande feuille de papier et de presser le placenta dessus. Le sang frais fait office d’encre.  Que de mystères dans cet arbre de vie, photo-souvenir en prime!


Crédit : Josué Bertolino
 

La médecine moderne considère le placenta comme un déchet organique. Longtemps vendu aux industries pharmaceutiques et cosmétiques, il est maintenant convoité pour ses cellules souches. Le sida, les hépatites et autres maladies du sang en ont fait un contaminant potentiel. Les placentas expulsés en milieu hospitalier prennent donc le chemin de la crémation.  À domicile, on a encore la possibilité de choisir ce qu’on en fait. Quand ma sage-femme m’a demandé si je souhaitais conserver celui de mon fils, j’ai tout de suite acquiescé.

Enfant, j’ai été bercée par des légendes dans lesquelles les arbres, les animaux et les objets parlent et ressentent. J’ai grandi, mais une partie de moi est demeurée accrochée, là. À choisir entre le rationnel et l’imaginaire, je vote toujours pour le second. C’est plus fort que moi.

Je préfère les histoires ancestrales qui honorent ce vaisseau de sang. Les vertus qu’on lui prête depuis toujours. Je me rappelais surtout de cette belle légende africaine. Un enfant revient toujours à l’endroit où on a enterré son placenta. S’il a des soucis et perd de vue son chemin de vie, il peut retourner s’asseoir à la base de l’arbre où on a enterré son jumeau perdu et obtenir des réponses.

Crédit : Josué Bertolino
 

Il y a cette forêt fabuleuse d’où viennent mes ancêtres. Faite de roches, de mousse, de bleuetiers… Un endroit dont on rêve. J’avais envie d’aller y enterrer le placenta de mon fils. Pour le rattacher à la terre. Pour, éventuellement, lui transmettre l’amour de la nature.

Alors on est partis un matin, sac au dos. On a grimpé dans la forêt, tous les trois. Il fallait trouver l’arbre qui allait nous recevoir. Un grand pin, le plus grand de tous, bordé par des quatre-temps. Un arbre qu’on reconnaîtra toujours.

J’ai sorti le placenta de son Tupperware. Il avait passé l’hiver dans le congélateur du chalet, au grand dam de toute la famille. En le déposant sur le tissu que j’avais apporté pour l’occasion, il a pris la forme d’un cœur. Il était encore du même beau rouge que lors de la délivrance, un an plus tôt.

Crédit : Josué Bertolino

 

J’ai versé des larmes au pied d’un arbre ce jour-là.  Mon bébé endormi contre ma poitrine, j’ai été submergée par un mélange de tristesse et de reconnaissance. J’ai pensé à tous les placentas. Ceux qu’on trouve dégueulasses, qu’on s’empresse de jeter, de soustraire à la vue. Alors que sans eux, il n’y a pas de gestation possible. J’ai songé à comment on traite le vivant…  Je l’ai trouvé chanceux, le nôtre, de finir sa petite vie là.
 
Crédit : Josué Bertolino
 

Avez-vous pensé à l’importance du placenta pendant votre grossesse ?
 
 
 
 
 
 
 
 

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