J’aimerais que mon fils obéisse.
J’aimerais qu’il mange ses légumes et range ses jouets. J’aimerais qu’il écoute ses profs, qu’il regarde des deux côtés de la rue avant de traverser. J’aimerais qu’il soit poli, qu’il soit propre.
J’aimerais qu’il dise oui.
Mais j’aimerais encore plus qu’il dise non.
J’aimerais qu’il ait des yeux frondeurs qui se foutent des ornières. J’aimerais qu’il porte des vêtements dépareillés et se fiche du regard des autres. J’aimerais qu’il se fasse expulser de classe quelques fois, juste parce qu’il a gentiment testé la limite, juste parce qu’il a été trop bavard dans un moment qui appelait le silence.
J’aimerais qu’il rentre en retard, les cheveux en bataille et les joues rougies. J’aimerais que ses éclats de rire bousculent la tranquillité des soumis. J’aimerais qu’il ne laisse pas mes peurs lui imposer trop de limites.
J’aimerais qu’il explore le monde comme s’il était le premier à le faire. J’aimerais qu’il soit juste un peu à côté de la track, sur son propre chemin raboteux mais enivrant. J’aimerais qu’il rêve grand, sans trop se soucier des ressasseurs d’impossible.
J’aimerais qu’il prenne la rue pour défendre ses idées, le bras bien levé, le cœur battant tambour. J’aimerais qu’il ait une voix qui porte, qui choque, qui caresse, qui chante, qui console. J’aimerais qu’il pleure sans retenue et sans gêne même si les garçons ne pleurent supposément pas.
J’aimerais qu’il refuse de mettre les gens dans des boîtes en raison de leur sexe, leur couleur, la taille de leur portefeuille, l’épaisseur de leur pile de diplômes. J’aimerais qu’il ne rie pas de ce gamin différent juste parce que les autres le font. J’aimerais qu’il ne laisse jamais personne mettre sa main sur sa cuisse si sa peau ne se languit pas de cette caresse. J’aimerais qu’il ait l’amour libre et fier.
J’aimerais qu’il dise non juste au bon moment, juste assez.
J’aimerais que mon fils désobéisse.