Une lettre. Adressée à l’occupant. L’expéditeur : la Ville de Montréal. Si j’avais su alors que je perdrais mes dernières illusions en l’ouvrant, je l’aurais brûlée d’office. Mais je suis naïve. Désespérément optimiste. Je l’ouvre.
À l’intérieur, écrit noir sur blanc : « Vous êtes en danger. L’entrée d’eau de votre appartement est probablement en plomb. Si vous êtes proprio, changez-là. Sinon, bonne chance avec votre filtre Brita. Ah oui, by the way, les personnes les plus à risques sont… les jeunes enfants! »
Je ne suis pas particulièrement du type anxieux. Seulement, j’ai l’impression que pas une semaine ne se passe sans qu’on ne bombarde la maman que je suis de l’avertissement d’un nouveau danger potentiellement mortel pour mon rejeton. L’enfance est maintenant toxique et sous haute surveillance.
Jadis, il me semble qu’il suffisait de mettre des plogues dans les prises électriques et de cacher la bouteille de M. Net pour rendre sa maison baby proof. En 2016, on dirait que c’est le monde entier qu’il faut baby proofer.
La preuve? Le bisphénol A donne le cancer. On l’a changé pour le bisphénol S qui est, apparemment, tout aussi toxique. Les écrans risquent de métamorphoser notre précieuse progéniture en mésadapté social. Internet aussi. Les cellulaires et les Ipad : des machines du diable avec leurs ondes qui polluent notre espace vital. Sans oublier les C.O.V., composés organiques volatils qui rejettent des produits toxiques dans l’air de nos maisons. La pollution atmosphérique menace, elle aussi, de changer nos enfants en zombies.
Et ça, ce n’est que le début. Les parcs sont dangereux, il y a des maniaques. Les vélos sont dangereux, les ruelles, les cours d’école, les piscines publiques. Manger du sucre, c’est dangereux. Du poisson aussi, à cause du mercure. Du lait, des noix, du gluten, des fruits de mer et tous les autres allergènes… Des fruits et des légumes? Couverts de pesticides! Les insectes tropicaux qui survivent à nos hivers plus chauds, le réchauffement climatique, les guerres, les cataclysmes, le terrorisme…
Enfin, la goutte qui fait déborder le vase : même mon eau potable !
Crédit : Giphy
Et si, au moins, j’étais en train d’exagérer…
J’essaie de suivre l’actualité, d’avoir un regard lucide sur le monde dans lequel mon fils grandit. J’essaie de me réjouir des avancées scientifiques, de la chance que j’ai d’être au courant et d’être en mesure de faire des choix relativement à ce que je mange, à ce que j’achète. Mais il y a des jours où l’état du monde me terrifie, véritablement.
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Je ne pourrai jamais protéger mon fils de TOUT. Je peux bien me tranquilliser en faisant de smoothies maison pas de sucre, pas de produits laitiers avec des fruits et du lait de soya bio pis le servir dans un vrai verre. Il y a une faille dans ma conscience. Le fait est que je dois lâcher prise.
Je ne peux pas baby proofer l’univers. Je peux seulement souhaiter que, en tant que parents, tous les jours, nous travaillions ensemble à tenter de rendre le monde dans lequel nos enfants grandissent un peu moins toxique, un peu plus accueillant. Le reste, il faudra lâcher prise!