Il y a des matins où je me lève en me demandant quel genre de féministe je suis et quel genre de valeurs féministes je vais inculquer à ma fille. Puis, il y a des matins, comme hier matin où je n’ai pas besoin de me poser de questions.
Je lis le journal et le cœur me lève. Non, mes nausées de grossesse ne me reprennent pas, c’est plutôt à cause de la chronique du jour du Journal de Montréal où la journaliste Lise Ravary relate l’événement entourant la publication du livre Les Superbes de Léa Clermont-Dion et Marie-Hélène Poitras (un livre qui parle notamment du succès vécu par les femmes – rien de moins) et ce qu’elle qualifie de « psychodrame ».
Le psychodrame c’est un misogyne qui a décidé d’utiliser le livre Les Superbes pour faire une publication sur Twitter haineuse faisant référence à Marc Lépine. Marc Lépine, l’homme qui a assassiné 14 femmes de Polytechnique en 1989 et qui, dans une lettre de suicide a notamment accusé les femmes d’avoir gâché sa vie. Et s’insurger devant de tels propos violents et dirigés retourne maintenant du psychodrame. Premier haut-le-cœur.
POURQUOI faire une plainte à la police? POURQUOI « ameuter » l’opinion publique? MAIS PARCE QUE, madame Ravary, parce que l’humour noir a toujours ben des ostis de limites! Et de là à affirmer qu’aucune loi n’a été enfreinte, j’inviterais madame Ravary à garder son opinion juridique pour ses soupers de famille. L’absence de motifs suffisants pour porter une accusation, par exemple, ne signifie pas l’absence de fondements légaux et surtout pas l’absence d’offense criminelle. Mais ça, c’est difficile à comprendre. C’est sûrement pour cette raison que la journaliste ose affirmer que les agressions sexuelles alléguées en début de semaine à l’Université Laval et contre un député libéral, hier, sont, quant à elles, du « vrai » travail pour la police. Deuxième haut-le-cœur.
La culture du viol et la violence envers les femmes ont maintenant deux poids et deux mesures. Eh ben! Les filles, si vous vous sentez menacées sur Facebook ou sur Twitter c’est de l’humour, t’sais. Ayez de la perspectiiiiiiiiive. De la perspective? Vraiment, madame Ravary? Troisième haut-le-cœur.
Vous voulez de la perspective, madame Ravary? En droit, le concept de viol n’existe plus. Ben non. On parle maintenant d’agression sexuelle, et ce, peu importe l’endroit où la main, la langue, le pénis a décidé de se balader. Oui il y a plusieurs niveaux dans la violence, mais toute « balade » de nature sexuelle avec absence de consentement réel est une agression sexuelle.
C’est drôle, mais j’ai l’impression que si la publication n’avait pas visée des femmes, mais plutôt n’importe quel autre groupe ou n’importe quel autre humain, personne n’aurait osé dire à Léa Clermont-Dion qu’elle sombrait dans la victimisation. Personne n’aurait osé donner des cours de violence sexuelle à 5 cennes. Je dis ça, je dis rien, mais je ne suis pas loin de la vérité. Quatrième haut-le-cœur.
J’ai envie de pleurer quand je lis une chronique du genre. Je pleure pour la féministe que je suis et pour celle que je deviens. Je pleure surtout de rage que Lise Ravary s’adresse à son lectorat en osant minimiser de la sorte une femme qui refuse de se taire.
Merci madame Ravary. Pour le mal de cœur, certes, mais surtout pour m’avoir rappelé ce matin quelle féministe j’ai envie d’être.