2,2 milliards : les surplus sont gros, mais les préjudices causés aux familles le sont encore plus!
Nadia LévesqueLe gouvernement en place a de la chance que l’argent soit l’un des plus grands tabous des Québécois. Les auteurs du livre Le code Québec affirment que les Québécois se confient plus ouvertement sur leur vie sexuelle que sur l’argent qu’ils ont. Je le crois, c’est logique. Dans les réunions familiales ou entre amis, on ne parle pas d’argent et ceux qui en parlent trop sont parfois mal vus.
Être pauvre au Québec, pour bien des gens, c’est être un perdant : vous n’avez pas d’excuse. Si vous êtes pauvre, c’est que vous ne faites pas ce qu’il faut pour vous en sortir. C’est aussi simple que ça! Pourtant, le visage de la pauvreté change au Québec et j’ai bien peur que ce ne soit qu’un début.
Je pense que l’équipe de Philippe Couillard a surestimé la capacité de payer des jeunes familles, et ce, à bien des niveaux. Un bel exemple : les garderies. Savez-vous que depuis les nouvelles mesures de tarifications, des parents s’endettent pour envoyer leur enfant à la garderie? Vont-ils les rembourser lorsque l’enfant fera son entrée scolaire? Avec les frais de service de garde qui sont également considérables, je n’en suis pas certaine. Les problèmes financiers, cette peine à joindre les deux bouts est également un gros tabou! Peu en parlent, mais de plus en plus de familles québécoises le vivent, en secret, entre les murs de leur maison. Et la misère se lit dans leur frigidaire.
Dernière la pauvreté, il y a une histoire. Souvent, des histoires tristes à pleurer. Quand on s’y attarde, on comprend, les jugements tombent et l’empathie embarque. Chaque fois que l’on juge une personne pauvre, nous sommes complices de l’inaction du gouvernement envers les plus vulnérables.
Des histoires, je pourrais vous en raconter beaucoup. Surtout celles de parents seuls qui doivent affronter le quotidien, avec un enfant différent ou handicapé. Ils ne sont pas en minorité ces parents. Ce sont 85 % des couples d’enfants différents ou handicapés qui se séparent au Québec!
Comme s’ils n’en avaient pas eu assez, les coupures dans le milieu de l’éducation ont rajouté la goutte de trop! En plus d’épuiser les enseignants en manque de ressources, ces coupures ont exigé un dévouement encore plus grand de la part des parents d’enfants différents. Ce dévouement accompagné des coupures de services a fait en sorte que des mamans ou des papas ont quitté leurs emplois ou se sont retrouvés épuisés, en arrêt de travail.
Le gouvernement de Philippe Couillard était très fier d’annoncer qu’il remet des sommes importantes dans le milieu de l’éducation. Je m’en réjouis. Les chaînes humaines de parents autour des écoles auront eu gain de cause. Par contre, couper massivement pour réinvestir n’est pas sans conséquence. Les conséquences, elles sont réelles, elles existent, elles exigeront réparation. Notre premier ministre devrait savoir que lorsqu’une personne tombe dans un lac glacé, il ne suffit pas de lui remettre un manteau. Le choc des coupures dans le milieu de l’éducation, il a été aussi drastique que ça, chez certains enfants aux besoins particuliers.
Des liens de confiance entre des enfants et des intervenants, bâtis de peine et de misère, ont été brisés en raison des coupures. Des enfants se sont retrouvés dans des classes qui ne leur convenaient pas. Certains parents ont perdu leurs emplois, car ils devaient se rendre à l’école pour récupérer l’enfant qui ne s’adaptait plus! La pauvreté est tellement taboue que c’est à demi-mot que des mamans m’ont confié avoir, cette année, pour la première fois, demandé de l’aide au comptoir alimentaire de leur région. Perte d’emploi ou épuisement ont fait en sorte qu’elles ont basculé dans la grande pauvreté.
Soyons honnête, le gouvernement a froissé des centaines de feuilles et passe actuellement le fer à repasser dessus, en espérant nous faire croire que ce sont de nouvelles feuilles, toutes lisses, sans plis. Le rose est ma couleur préférée, mais pas à ce point-là!
Pour terminer, je m’adresse à vous, Monsieur Leitao. En tant que ministre, vous voyez des surplus, l’avenir du Québec et de la fierté. Moi, en tant que citoyenne, je vois un gouffre qui prend de l’expansion pour les familles et j’ai juste envie de pleurer les plus vulnérables qui crient à voix basse, parce que visiblement, la pauvreté est une honte. Je ne sais combien de fois j’ai entendu les ministres, sous la gouverne de Philippe Couillard, affirmer faire toutes ces coupures pour le futur du Québec, pour nos enfants. Nos enfants? Vraiment?
Avez-vous déjà essayé d’être un bon parent quand le panier d’épicerie et le compte d’hydro montent en flèche, mais que l’économie est si fragile que vous risquez jour après jour un congédiement, une suppression de poste? Avez-vous déjà essayé d’être un bon parent avec ce stress ambiant? Notre perception des choses dépend de notre vécu, de nos valeurs et de notre situation financière. C’est un constat que je fais depuis deux ans, mais principalement depuis l’annonce de ce surplus de 2,2 milliards.
Vous êtes fier de quoi, Monsieur Leitao? Que les Québécois voient l’argent et la pauvreté comme un sujet tabou?