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Ce troisième enfant que nous n’aurons jamais
Crédit: Christin Lola/Shutterstock

S’il est vrai que j’ai toujours voulu des enfants, je n’ai jamais réellement su combien. Je me disais que nous irions un à la fois et que je saurais le moment venu de terminer notre famille. Le premier bébé n’a pas été si évident. Il a fallu quatre ans pour qu’il fasse vraiment des nuits complètes. Mon petit anxieux demandait beaucoup d’énergie, un cadre de vie assez rigide et une routine très établie. Malgré tout, il était clair que j’en voulais un autre… dans un certain temps, juste pour dormir un peu avant.

Puis, bébé numéro deux est arrivé quatre ans et demi plus tard. Monsieur Boulette. Pas parce qu’il était rond ou potelé, mais davantage parce qu’il était aussi immobile qu’une boulette de viande. Nous pouvions le transporter partout et il dormait là où nous le déposions. Tempérament très facile et rieur, il a fait ses nuits, de douze heures en plus, à deux mois. Le rêve! D’autant plus que grand garçon était plus vieux et autonome et notre petit deuxième se fondait dans la routine déjà en place. Il n’en fallait pas plus pour que sonne de nouveau mon horloge biologique. Une petite voix me disait d’attendre, bébé n’avait que cinq mois et tout pouvait changer. Nous verrions avec un peu de temps, même si nous en parlions déjà souvent.

Quelque six mois plus tard, j’ai commencé à me sentir physiquement moins bien. Un excès de fatigue, peut-être? Puis, ça s’est aggravé, mais je croyais toujours à une mauvaise passe, j’avais une maladie chronique, après tout. Au bout de quelques semaines, j’ai bien compris que c’était une rechute et que ce n’était pas temporaire. J’espérais quand même que ça ne perdurerait pas trop longtemps. Le temps a donc passé avec mon horloge biologique qui sonnait toujours aussi fort, mais avec un corps qui ne pourrait pas porter la vie pour l’instant. Le projet de bébé trois était donc reporté.

Deux ans ont ainsi passé. Ma santé se portait encore plus mal et mon chum devait se faire opérer, alors le sujet de la vasectomie est devenu davantage d’actualité qu’une naissance future. Puisque je suis du genre à tomber enceinte très facilement, c’était LA solution. Mon cœur disait NON, ma raison savait pourtant qu’un autre bébé ne serait plus possible. Nous avons donc pris cette décision à contrecœur en sachant que nous faisions ce qui était le mieux. Par contre, entre savoir et vouloir, la marche est très haute.

J’ai donc commencé lentement à ranger les choses de bébé et à les donner. Monsieur Boulette est passé au grand lit et le pas a été immense, car c’était la fin de quelque chose, d’une étape. J’avais l’impression de ne pas avoir assez profité de ma dernière bedaine, de mon allaitement, de l’odeur de bébé, car je ne savais pas que ce serait la dernière fois, tout simplement. J’avais un deuil à faire, celui de ce troisième enfant que nous n’aurions jamais. J’ai longtemps regardé de travers cette chaise vide à la table avec un manque au creux du ventre et la sensation qu’il y avait perpétuellement un absent. En plus, nous avions déménagé et notre nouvelle maison avait une quatrième chambre. Mon désir d’enfant était partout et il me narguait.

Avec le temps, ce deuil s’est fait, bien évidemment, mais ç’a été plus difficile que je ne l’aurais cru. Je n’avais pas choisi la fin de notre famille, la vie s’en était chargée à ma place. Je n’ai plus cette sensation de manque ou de vide aujourd’hui. Nous avons défoncé le mur de notre chambre pour enlever cette pièce inutile. Je me suis mise à tout materner sur mon passage, et surtout, j’ai apprécié la chance que j’avais d’avoir une famille. Les choses ont été différentes de ce que j’avais prévu, mais j’ai préféré regarder ce que j’avais. Une autre étape venait d’être franchie. Finalement, ma famille était complète, autant dans ma tête que dans mon cœur.

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