Je sais toujours quoi faire de mon temps.
Si des minutes se libèrent, je sors un livre, j’ouvre une bière, je range mon tiroir à cuillères, je trie mes mixtapes des années 80, je pars à la recherche des bas orphelins. Des choses à faire, j’en ai de toutes sortes, elles vont de 0 à 10 sur l’échelle des priorités du genre humain.
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Y’a cependant une exception. Et elle est de taille. J’ai perdu mes eaux sans avoir de contractions.
Jamais.
Pendant ces heures interminables, moi qui sais toujours quoi faire en temps normal, eh bien je ne savais plus quoi faire de mon col et de mes dix doigts.
C’est le matin du 2 janvier. Le livreur UPS sonne à ma porte avec des cadeaux de Noël arrivés en retard. J’ouvre. Je fais ma cordiale. Je suis si cordiale que je partage même mon liquide amniotique avec les pieds de l’inconnu. Mon mari est sous la douche. Je ne suis pas certaine : dois-je rire ou hurler? J’arrive à contenir ma surprise, à faire passer mon jus pour de la slush de bottes, à signer son maudit papier et à refermer la porte.
Je regarde les gouttes qui engraissent ma puddle sur le plancher. J’me mets à chercher les contractions. Y’en a pas. J’me dis que je suis tough, mais même ma légendaire endurance n’explique pas le calme plat qui n’est dérangé que par le plouc plouc de ma flaque. J’ai eu aucun signe. J’en ai toujours aucun.
Mon mari sort de la douche. Rires et cris ont jailli. Bruits de moteur aussi. Direction l’hôpital. Sur Décarie à vive allure, toujours pas de douleur.
À l’hôpital, on me fait le test pour s’assurer qu’il s’agit bien de liquide amniotique. Disons qu’on me croit moyen : j’ai l’esprit badin, je suis toujours cordiale, j’ai pas l’air souffrante et, pour dire vrai, j’ai pas vraiment l’air d’être enceinte de 9 mois non plus. La bande change bien de couleur. On me donne une petite chambre, on me conseille de marcher, de bouger, ça va bien finir par arriver.
Commencent alors les heures les plus longues de ma vie. Vous faites quoi quand votre mojo goutte, mais que votre fille n’a pas envie de sortir?
Rien.
Vous ne faites rien.
J’ai envie de rien parce que j’me dis que la douleur peut m’interrompre à tout moment.
J’ai hâte, j’suis impatiente, je veux rencontrer ma fille, mais le vice-recteur des naissances fait pas play sur mon accouchement.
Je tente de lire, mais je recommence toujours le même paragraphe. Mon mari mange son trio Wendy’s ; je marche de long en large en me bougeant des hanches comme sur un runway de chez Chanel. Je parle à ma fille en lui assurant que la vie en dehors, c’est pas mal awesome.
Rien.
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Le soleil se couche, la température extérieure chute, 15 heures ont passé.
On finit par tout provoquer. À temps, car j’ai un début d’infection des membranes. La fièvre se met à monter. Let’s go le pitocin et les antibio par intraveineuse. Les endorphines font leur job et le reste, c’est juste un beau gros blur avec du sang, de la douleur, de la joie, de la force de Wonder Woman, un peu de vomi et une magnifique petite qui, malgré l’attente incroyable, n’aura mis que 4 heures à sortir, une fois le processus démarré.
Mes 15 heures, j’y repense souvent. C’est 15 heures où j’ai pas su quoi faire de mon temps. Elles étaient probablement déjà trop pleines de mon envie d’être maman.
Et vous, ça s’est passé comment? Vous faisiez quoi lors de vos premières contractions?