J’ai toujours beaucoup écrit. Depuis que je suis enfant, je noircis des tas de carnets et de journaux intimes. J’y note mes pensées, mes aspirations, j’y démêle mes idées, je raconte mon quotidien. Mais ça, c’était avant l’arrivée de mon bébé. Maintenant que je suis mère, je n’écris presque plus.
En une année, je ne compte que 13 entrées dans mon journal. Quand je les relis, je me dis que cette première année de maternité a été pas mal plus rushante que ce à quoi je m’attendais. Voici le journal de mon désarroi.
Ceci est la troisième partie de mon journal. Les parties 1 et 2 sont ici et là.
6 septembre : Petite a 7 mois
La fin de semaine dernière, j’ai vu l’amie, celle qui a deux enfants. Ça faisait longtemps qu’on ne s’était pas vues. On a jasé de nos vies de mères, ça m’a fait beaucoup de bien. Je pense qu’elle comprend ce que je vis.
Elle m’a prêté Les Tranchées de Fanny Britt, et je suis tombée sur un passage où cette dernière dit qu’elle lutte pour ne pas « être perpétuellement en tabarnak ».
« Derrière cette colère matinale, il y avait le besoin que l’autre (le chum, le mari, le père […]) […] saisisse la nature intrinsèquement anxieuse du rôle maternel. Qu’il devine que dans ce rôle, on étouffe, on souffre, on triture, on rétrécit. Qu’il se fasse pardonner le crime de n’avoir pas la même douleur devant la parentalité. Qu’il ouvre les vannes de notre peur et de notre peine et de l’infini paradoxe d’aimer la maternité plus que tout, mais de la regretter aussi, parfois ». (p. 34)
C’EST TELLEMENT ÇA!
Et le passage qui suit :
« N’est-il pas là, le plus grand paradoxe de la maternité? On veut faire des enfants, parfois jusqu’à l’obsession, jusqu’à nier la valeur de toutes les autres sphères de l’existence, et pourtant la tâche est pénible, souvent. Je ne parle pas ici du quotidien, des irritants mineurs de la routine familiale, des petites maladies ou des vies sociales amputées. Je parle de l’angoisse profonde de s’arroger la responsabilité d’un autre être humain, je parle de l’amour submergeant, tyrannique, je parle de la fièvre et du calvaire de n’avoir jamais le cœur tout à fait tranquille […] ». (p. 35)
Je l’ai relu cinq fois de suite.
Hallelujah.
9 octobre
On dirait que j’ai trouvé mon rythme.
On dirait que ça s’est calmé. Mes angoisses, mes doutes.
Il était temps, ma fille a 9 mois.
J’ai ma petite vie. C’est pas mal la routine, mais ça va.
La première demi-heure de solitude me pince toujours là, au centre de la poitrine, mais après ça se dissipe. Je couche Petite pour sa sieste, je fais la vaisselle, des muffins, je ramasse ce qui traîne, je lis les nouvelles.
L’après-midi j’écoute la radio.
J’ai acheté une citrouille et je lui ai dessiné un visage au marqueur noir.
« Bonjour, c’est moi, Monsieur Citrouille! »
Petite adore ça.
J’avoue que moi aussi.
26 décembre
Je n’ai pas écrit depuis des lustres.
Nous sommes à la campagne, chez mes parents. J’ai pu dessiner. Pour la première fois depuis que Petite est née. J’ai dessiné mon corps avec des fleurs qui poussent dessus et un oiseau qui vole au-dessus, un petit faucon. J’ai pu dessiner, c’était la première fois, et ça m’a fait un bien fou.
Je n’avais pas été aussi excitée par l’arrivée de Noël depuis mon enfance. J’ai fait un sapin, j’ai même écouté de la musique de Noël. Petite et moi, on a dansé tout le mois de décembre sur « All I Want for Christmas is You ».
Demain, mes parents la garderont pour que l’amoureux et moi puissions aller faire du ski de fond, puis au resto.
Il y a des petits espaces qui se créent, tranquillement.
Dans notre vie de nouveaux parents et dans mon cœur de femme.
L’amour coule plus librement. Et il y a les rires de Petite et ses premiers pas.
Ça ira. Ça ira de mieux en mieux.
(Mais en fait, ce n’est que le début.)