L’hiver dernier, les histoires de fugues de jeunes filles faisaient la manchette. Un an plus tard, le plus récent film d’Anaïs Barbeau-Lavalette, le documentaire « Ma fille n’est pas à vendre », lève le voile sur l’exploitation sexuelle des jeunes filles au Québec en donnant la parole à certaines d’entre elles et surtout, à leurs mères. Le film sera diffusé sur les ondes de Télé-Québec ce soir, le lundi 20 février à 21 h.
Le film est troublant dès les premières minutes. Entrecoupés d’images de jeunes filles à l’aube de la puberté chantant avec des voix d’anges, des mots qui frappent : exploitation sexuelle. Le contraste est saisissant et on imagine déjà le pire.
Comment l’engrenage s’enclenche
Ce pire viendra ensuite, d’abord par cette mère qui fait le récit de l’engrenage dans lequel sont prises les jeunes filles. Presque toutes les histoires commencent par la rencontre d’un homme charmant, généralement plus vieux. Ces hommes ne se présentent évidemment pas comme les proxénètes qu’ils sont en réalité. Ils séduisent les filles, deviennent leur chum, les couvrent de cadeaux et de compliments, leur font de belles promesses. Souvent, les filles commencent à consommer de la drogue, évidemment gratuite au départ. Plus la fille consomme, plus elle veut consommer. Éventuellement, ce n’est plus gratuit et la fille doit payer, voire rembourser. Comment? Avec son corps.
Dégueulasse de même.
Les filles qui ne veulent pas collaborer sont violées à répétition jusqu’à ce qu’elles cèdent, qu’elles n’aient plus la force de se battre, qu’elles acceptent d’enchaîner les clients. Jusqu’à ce qu’on les mette sur le marché international de la prostitution, qu’on essaie de les envoyer dans une autre province, dans un autre pays. Selon une autre mère, « ils réussissent à les convaincre que c’est pas grave, que c’est une façon comme une autre de gagner de l’argent. »
Un constat qui glace
Impossible de ne pas frissonner de dégoût en entendant cette jeune fille évoquer le parfum pour couvrir l’odeur du sperme, pour faire comme si c’était le premier, pas le dixième. Impossible de ne pas avoir le cœur serré en entendant cette fille qui se demande si sa mère va vouloir la « réaccepter comme avant » ou « si elle va juste être dégoûtée par son enfant ».
Personne n’est à l’abri
Ce qui ressort du documentaire est l’immense désarroi des mères, qui ne pensaient jamais que leur fille se retrouverait en centre jeunesse, et encore moins dans l’enfer de la prostitution juvénile. On comprend aussi, après avoir vu le film, que personne n’est à l’abri, même une fille de « bonne famille » qui réussit bien à l’école. Toutes les jeunes filles peuvent se faire avoir par ces maîtres de la séduction et de la manipulation.
Que faire?
Garder l’œil ouvert et parler du sujet avec nos enfants. Si vous avez des adolescent.e.s, je vous recommande fortement de leur offrir le roman Poupée de Monique Polak, un livre très bien documenté sans être trop pédagogique, avec une intrigue vraiment troublante et prenante. Je vous avertis, certaines scènes sont assez graphiques, mais on ne trouve ici aucune violence ou sexualité gratuites.
Vous pouvez aussi faire pression auprès de votre député fédéral pour qu’il accélère la mise en œuvre d’un projet de loi permettant d’accuser un proxénète sans le témoignage de ses victimes, qui sont souvent de jeunes adolescentes amoureuses de lui. Mobilisons-nous afin que Montréal cesse d’être une plaque tournante du trafic humain et qu’enfin, nos filles ne soient plus à vendre.