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« On naît tous égaux », vraiment?
Crédit: Iaroslav Neliubov/Shutterstock

« On naît tous égaux ». Ça a l’air d’une belle petite phrase culte à dire à nos enfants. Je ne veux péter la balloune de personne, mais c’est pas vrai.

Nous sommes tous faits pareils? Sure! À quelques organes près selon le sexe, évidemment. A-t-on les mêmes droits? Non. On a qu’à penser à l’égalité homme femme. Y’a encore du chemin à faire. Est-ce qu’on a tous les mêmes privilèges? Encore là, non. Y’en a qui ont plus d’argent, d’autres qui n’ont pas à vivre quotidiennement avec un handicap. Parmi tout ça, il y a un privilège plus invisible, plus caché et plus tabou que les autres : celui d’être blanc.

Je suis née ici, au Québec, et je suis blanche comme neige. Mon nom de famille est l’un des plus populaires du Québec. J’ai grandi dans une famille aimante, de la classe moyenne. Ma mère a eu la chance de rester à la maison une grande partie de mon enfance.
J’ai été dans une école où tous les enfants étaient blancs, comme moi.
Je me suis fait intimider. J’aimerais vous donner une raison, mais je sais pas trop pourquoi je l’étais. Peut-être parce que j’étais plutôt introvertie et que mes coupes de cheveux n’ont pas aidé ma cause. #LolPasLol

J’ai épousé un Haïtien d’origine. Je dis origine parce qu’il est né ici, au Québec, de parents immigrants. Il a grandi dans une ville de plus ou moins 5 000 habitants où ses parents et lui étaient les seuls Noirs. Littéralement. Ses parents se sont séparés peu de temps après sa naissance et il a grandi avec son papa à temps plein et sa maman une fin de semaine sur deux. Il a été dans une école où il était le seul noir.

Ça fait qu’il s’est fait intimider.
Les enfants en cercle autour de lui.
Pas à cause de sa gêne ou de sa coupe de cheveux pas à la mode, mais parce qu’il était Noir.

Il a été éduqué à faire attention à ce qu’il faisait et disait, pas seulement par politesse ou savoir-vivre, mais parce qu’il était Noir. Ses parents voulaient qu’il donne une bonne image de sa « race ». Mon mari, le père de mes enfants, l’homme le plus doux du monde, change de trottoir quand il marche derrière une fille pour ne pas qu’elle pense qu’il est un Noir qui veut l’agresser. Il conduit prudemment, sans excès de vitesse, pas par précaution (que celui qui n’a jamais été plus vite que la limite lève la main), mais pour ne pas avoir à se faire arrêter pour profilage racial.

L’adulte qu’il est aujourd’hui s’en fait pour l’image que donne sa couleur de peau. Quand il voit un meurtre ou un vol à la télé et que la personne est Noire, il me dit souvent que ça va encore donner une mauvaise image. J’essayais, avant, de lui faire comprendre que les gens qui associent ces délits avec la couleur de peau en se disant « On sait bien, c’est encore un Noir », trouveraient n’importe quel argument bidon pour justifier leurs propos racistes.

En fait, c’est moi qui ne comprenais pas. Pourquoi? Parce que c’est mon privilège de blanc qui parlait. J’suis qui, moi, pour savoir ce que c’est que de s’en faire pour sa couleur de peau? De ce que les gens vont penser de mes actes parce que je suis Noire? De me faire dévisager parce que je porte le voile? De me faire refuser aux douanes parce que mon nom de famille a une consonance arabe? De me faire associer à un gang de rue parce que ma couleur est plus foncée?
 
J’en sais strictement rien parce que j’ai un privilège invisible, inné. Celui d’être Blanche dans un monde de Blancs. Pis oui inné, parce que je suis née avec ce privilège et on m’a élevée en tant que privilégiée.

En tant que mère, on s’en fait pour nos enfants. Vont-ils bien réussir dans la vie? Est-ce que je leur donne assez de moi? Est-ce que ma fille aura un accident de voiture un jour? Mon fils, blessé en pratiquant un sport?

En tant que maman d’enfants métisses, j’ai peur d’avoir à les consoler parce que des « amis » rient de leur couleur de peau ou de celle de leur papa. Je cherche souvent des livres pour enfants illustrés à leur image, pour qu’ils s’identifient un peu plus aux personnages. C’est difficile. Je sais qu’à l’école, ils en apprendront plus sur leur héritage blanc qu’haïtien et je trouve ça triste. Triste parce que c’est quand même une moitié d’eux. Tout ce qu’ils apprendront, c’est que les ancêtres de leur papa ont vécu l’esclavagisme. Y’a tellement plus que ça. Y’a tellement plus beau.

J’espère qu’ils ne ressentiront jamais la pression de bien représenter leurs origines, comme leur père la sent encore aujourd’hui. Personne ne devrait ressentir ce genre de pression. 

Note : Je sais que c’est pas évident de se faire confronter comme ça. Mon but n’est aucunement d’invalider les difficultés de chacun. On a tous nos problèmes, certains plus gros que d’autres. Je pense que ce que je souhaite avec ce texte, c’est qu’on comprenne que les gens qui réalisent et parlent de leurs privilèges le font surtout pour être entendu et que ça prend de l’écoute de la part des « Blancs », comme moi avec mon chum. 

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