L’accouchement n’est pas une fin en soi.
Mais ça, je ne savais pas.
J’y voyais une séquence claire, comme une recette de Marilou.
Un trimestre de nausées.
Un trimestre de super puissance.
Un trimestre de ras-le-bol.
Enfournez à 350 degrés. L’enfant est né.
Je ne m’étais jamais arrêtée pour me demander, une fois la coquille inspectée par le personnel de la maternité, à quoi mon quotidien allait maintenant ressembler.
On se dit que tout va changer, mais on ne comprend pas l’ampleur du changement.
Crédit : Giphy
J’imaginais un retour à la normale, sous les rayons de soleil à 45 degrés dont sont baignés les photoshoots de nouveau-nés. Une robe de chambre blanche et moelleuse qui enveloppe la vie dans son confort feutré. Un kit NewBorn qui sent bon le Ivory Neige frais lavé.
Je ne surprends personne en disant qu’il n’y avait fuck all de tout ça.
J’avais plutôt un périnée qui parsemait d’averses dispersées mes balades entre la cuisine et la salle à manger. Un enfant qui dormait de moins en moins, qui pleurait de plus en plus et un rodéo hormonal qui faisait des passes de kung-fu à mon sang froid. Toutes les fucking secondes.
Crédit : Giphy
Au matin d’une journée qui durait depuis des mois, j’ai fait les constats suivants :
Je portais encore mes jeans de maternité.
Ma crinière n’était plus qu’une masse terne et grasse qui tombait par poignées.
Ma fille hurlait et redoublait d’ardeur tous les soirs à partir de 17 h.
L’univers enchanté des tétées groupées me gardait clouée sur mon canapé et Netflix n’avait pas assez de choix pour me garder occupée.
Mes pieds n’avaient pas désenflé. Je ne savais toujours pas si je prenais ma fille trop ou pas assez.
Si elle avait faim, si elle avait froid, si elle éprouvait quelque chose, un peu, pour moi.
À ce moment précis, alors que je ne comprenais plus rien de ma nouvelle vie, j’ai eu la folle idée d’aller pleurer dans les bras d’Internet.
Et pour une fois, il m’a renvoyé un résultat qui m’a foudroyée de lucidité.
La grossesse ne s’arrête pas à l’accouchement. Il existe peut-être un quatrième trimestre.
Une période où le corps se remet de son exploit, où l’enfant s’aperçoit graduellement qu’il n’est plus dans le ventre de sa maman.
Une période charnière, déterminante, où la maman et son enfant apprennent à être au monde, ensemble et individuellement.
Une rupture avec le passé. Un pont vers l’avenir. Un laboratoire du quotidien dans lequel on se réinvente.
Riche en larmes et en vitamines « j’capote ».
Bonheurs découverts et chagrins oubliés.
Le quatrième trimestre, on doit le célébrer pour ce qu’il est dans toute son imperfection et son intensité. C’est ce qu’ont fait Ashlee Dean Wells et Laura Weetzle Wilson en mettant sur pied le 4th Trimester Bodies Project. Sur le Web, dans un livre et en tournée, elles dénudent la maternité pour présenter des photos et des témoignages pleins de vérités.
Qu’il était légitime d’avoir des questions sans réponse.
Que les hauts et les bas se succèdent quand il ne se chevauchent pas.
Qu’un haut peut être un bas et vice versa.
Qu’il faut avoir des commencements indulgents.
Que devenir maman, ça s’apprend.
C’est un équilibre entre combat et beauté, entre force et fragilité.
Et ne le cherchez pas tout de suite après votre dernière poussée.
Cet équilibre, il viendra, en son temps, un jour où vous reporterez peut-être vos jeans de votre vie d’avant.