J’ai longtemps cru que l’intimidation était une affaire de jeunes. Je ne sais pas pourquoi d’ailleurs, mais c’est comme ça que je me le figurais. Toujours est-il que ma vision des choses a bien changé lorsque je suis devenue l’intimidée, mais pire encore, par une figure d’autorité importante. C’était inattendu et très choquant. J’avais les mains liées et ne pouvait pas faire grand-chose, ce qui ne m’arrive pas souvent. Je suis plus du type à revendiquer, à clamer haut et fort les injustices, et pourtant, on a réussi à me faire taire.
Ça a commencé par une année franchement pas facile. Notre fille aînée avait commencé à avoir des problèmes de santé. Elle était affaiblie et très épuisée. Chaque semaine, dès le jeudi, les vertiges arrivaient, les maux de tête et la fatigue suivaient. Elle passait le jour suivant à la maison à dormir, systématiquement le vendredi comme si la fatigue s’accumulait. Sa pédiatre n’y voyait que la possibilité d’un asthme non contrôlé. Dans mon cœur de mère, je savais que ce n’était pas ça. Elle a donc prescrit une médication et nous a donné un billet de consultation en pneumologie. Il fallait attendre six semaines pour avoir un rendez-vous. Noël approchait à grands pas et je gardais le contact avec l’école en les tenant au courant de la situation pas à pas.
Au retour des Fêtes, la situation a empiré. Elle s’épuisait dès le mercredi et manquait deux jours d’école par semaine, toujours à dormir, et ce, pour toute la fin de semaine. Retour chez la pédiatre, qui nous a alors dit que si la situation ne s’améliorait pas, elle lui ferait passer des analyses sanguines après son rendez-vous en pneumologie. Toujours en contact avec l’école, je faisais le suivi avec le TES. L’école s’impatientait un peu, vu le nombre d’absences et la pédiatre refusait, à ce moment-ci, de faire un billet médical n’ayant pas de cause. J’étais en colère. Le rendez-vous en pneumologie n’a rien donné, ça ne pouvait pas expliquer tous les symptômes de ma fille. Retour chez la pédiatre qui décide enfin, ALLÉLUIA, de prescrire les analyses. Nous étions déjà rendues en mars.
Finalement, notre fille faisait beaucoup d’anémie. J’avais hâte de communiquer avec l’école pour régler le dossier, car ils auraient aimé recevoir le billet médical que je n’avais pas pour justifier les absences, mais j’avais enfin la cause. La médication débutait et il fallait compter de quatre à six semaines pour voir une amélioration. Donc, la situation perdurait un peu encore avant que notre fille aille bien et retrouve sa routine.
Comme j’allais communiquer avec la directrice, un incident est survenu. Notre plus jeune fille est arrivée à la maison à dix heures le matin. Surprise extrême! Habituée de venir dîner, elle était dans la lune et avait pris la récréation pour l’heure du lunch. Je me demandais comment elle avait pu quitter l’établissement sans que personne ne la voie, mais aussi très inquiète qu’elle soit revenue comme ça à la maison sans que personne ne sache. Puisque je devais déjà téléphoner à l’école, je me suis dit que j’éluciderais ça, d’autant plus qu’en ramenant notre fille à l’école ce matin-là, nous avons rapidement réalisé que personne n’avait remarqué son absence!
J’ai donc communiqué avec la directrice et expliqué l’incident. On m’a répondu que c’était à mon enfant de se responsabiliser. QUOI? Je suis restée bouche bée, mais calme et lui ai dit que de mon point de vue, c’était à l’école de la surveiller, surtout. J’ai ensuite abordé le sujet de notre autre fille qui avait maintenant un diagnostic, en lui disant que la situation rentrerait dans l’ordre d’ici peu. Elle m’a alors répondu que ce n’était pas une raison suffisante d’absentéisme, qu’elle n’était pas « si » malade et que j’étais mère poule. Le ton s’est durci, car j’étais mécontente des propos qu’elle tenait qui représentaient un gros jugement et un manque de professionnalisme. La discussion s’est terminée sur un froid, disons.
Une semaine plus tard, j’ai reçu un appel de la DPJ car une plainte avait été déposée au sujet de notre fille qui était trop souvent absente et trop blême. C’est sûr qu’elle était pâle, elle avait de l’anémie! Une travailleuse sociale est donc venue chez nous inspecter notre vie. Je me sentais vulnérable, nerveuse aussi choquée que l’on remette mes compétences parentales en question. L’entretien a été bref, la dame a vu rapidement que tout était parfait et je lui ai expliqué la situation de notre fille, la situation à l’école, les suivis que j’avais faits pendant des mois avec eux. Elle m’a alors très subtilement fait comprendre que c’était de l’abus de pouvoir et m’a fortement suggéré d’obtenir un billet médical si je ne voulais pas que cette situation se reproduise au cours des prochaines semaines, car oui, la directrice pouvait faire une plainte chaque mois.
Lorsqu’elle est partie, j’ai réalisé que l’on venait de m’intimider à grand coup d’abus de pouvoir! Je ne pouvais pas porter plainte contre l’école pour la « disparition » négligée de ma fille cadette ni pour cet abus car avec cette plainte à la DPJ, j’aurais juste l’air d’un parent en colère qui veut se venger. On venait de m’empêcher de parler. On m’a juridiquement conseillé de faire un dossier avec tous les incidents passés et ceux à venir, car si la situation d’abus perdurait, une plainte serait possible dans les prochains mois.
Je suis retournée chez la pédiatre, vu la situation. Elle était très mal à l’aise, car jamais elle n’aurait cru que l’école ferait une chose pareille. C’était extrême, disons-le. J’ai eu mon billet. Le dossier a été fermé à la DPJ. Je n’ai jamais eu à porter plainte contre l’école car rien d’autre n’est arrivé, mais ça m’a quand même beaucoup secouée.
Cette anecdote pour vous dire que l’intimidation ne touche pas que vos enfants. Et, même à l’âge adulte, il est parfois difficile, voire impossible, de rétorquer face à un comportement abusif.