Lors de ma première grossesse, c’est sans trop me poser de questions que j’ai fait le choix d’allaiter. Je me disais qu’avec un peu de patience, j’y arriverais. Après tout, l’allaitement est la chose la plus naturelle du monde. Première erreur. Pour laisser mon instinct maternel gagner sur ma pudeur, j’ai dû redécouvrir la fonction première de mes seins.
Je me disais aussi que je me permettrais d’abandonner l’allaitement si ça ne fonctionnait pas. Je m’imaginais déjà tourner la page assez facilement. L’important pour moi, c’était d’essayer. Deuxième erreur. Têtue comme je suis, la page a été très difficile à tourner.
La première fois que j’ai allaité ma fille, j’ai su que ça n’avait rien de naturel pour moi. Pour en rajouter, elle prenait difficilement le sein, refusait de téter plus de 30 secondes et criait à chaque fois que je l’approchais de moi. Pendant ce temps, on me parlait de jaunisse, de perte de poids et de mes mamelons pas assez proéminents. On me demandait de tirer mon lait à la main et lui donner ma maigre récolte à la cuillère. J’étais étourdie. Je venais de courir un marathon et je sombrais désormais dans un tourbillon d’infirmières bien intentionnées qui me poussaient à faire ceci ou cela pour m’aider.
Puis, on m’a offert une téterelle, un petit bout de plastique semblable à la tétine d’un biberon que l’on a gentiment déposé sur mon sein. Miracle. Ma fille buvait. Elle n’a pas eu de jaunisse. Elle a repris le poids perdu.
De retour à la maison, j’ai découvert que la téterelle était diabolique. Elle empêchait ma fille d’avoir un réel contact avec moi, elle ne lui apprennait pas à boire correctement et elle pouvait réduire ma production. Je ne comprenais pas. C’était quand même mon lait qu’elle buvait, non? Je sentais que j’échouais puisque je n’allaitais pas de manière naturelle comme les autres mamans. Je me cachais pour allaiter de peur qu’on me pose des questions auxquelles je n’avais pas envie de répondre. J’ai consulté et j’ai tenté de la sevrer de la téterelle. Échec total. Pour ma paix d’esprit, j’ai décidé d’accepter l’idée d’allaiter avec ce petit bout de plastique.
Tout s’est ensuite relativement bien passé jusqu’à ses quatre mois. Ma fille refusait systématiquement de boire même si elle mourait de faim. Elle hurlait sans cesse et je devais me battre avec elle pour la nourrir. Je perdais patience et poussais parfois des cris moi aussi. Les boires sont passés de 20 minutes à 1 h 30. Mon copain lui a donné mon lait à la bouteille pour m’aider et elle l’a enfin pris. Je me sentais rejetée. Ses nuits étaient troublées et elle ne voulait plus qu’on la dépose par terre pour jouer. C’est lorsqu’elle s’est mise à faire plus de 12 selles par jour que j’ai consulté.
Le diagnostic est tombé. Elle était intolérante aux protéines bovines. On m’a parlé du régime d’éviction que je devais faire si je souhaitais poursuivre l’allaitement. À bout de souffle, j’ai décidé d’abandonner. Ça n’a pas été une décision facile à prendre. Je me sentais mal de faire ce choix. J’ai pleuré en essayant de me convaincre que quatre mois à la nourrir de mon lait, c’était mieux que rien. De retour à la maison, en lui donnant son premier biberon de lait maternisé, j’ai su que j’avais pris la bonne décision. Nous étions à nouveau calmes toutes les deux.
Me voilà aujourd’hui enceinte du petit deuxième. Même si je veux tenter à nouveau l’aventure qu’est l’allaitement, j’ai peur de ce qui pourrait se passer. Allaiter n’a pas été une révélation et ça ne m’a pas aidée à créer un lien unique avec ma fille. Cette fois-ci, j’espère être capable de lâcher prise plus facilement et de tourner la page sans remords si nécessaire.