Il y a des mères qui, après avoir nourri leurs enfants, filent vers le travail ou partent une brassée… et d’autres qui se jettent dans le vide à 20 mètres de haut! Le verbe devrait se lire au singulier, puisque la maman que je vous présente est bien la seule mère au monde à s’envoyer en l’air du haut de ces plates-formes de plongeon de haute-voltige! J’avais entendu parler quelques fois de la plongeuse Lysanne Richard qui se hisse au sommet des palmarès de plongeon de haut vol depuis 2 ans, mais c’est quand j’ai appris qu’elle avait également trois enfants, que je suis devenue carrément admirative!
Comment devient-on plongeuse de compétition à 35 ans tout en étant mère de trois enfants? Mystère! J’avais vraiment hâte de l’entendre me parler de sa routine avec les petits, de sa famille et de la notion de danger qui accompagne son « métier ». Disons que c’est un quotidien… peu banal! On s’est fixé un rendez-vous téléphonique, mais on a tellement jasé que j’ai failli arriver en retard au cours de ballet de ma 3 ans!
Lysanne vient de Chicoutimi. Elle est tombée amoureuse du plongeon de haut vol dès qu’elle en a vu à Val-Cartier à 8 ans. Mais à l’adolescence, lorsqu’un problème d’oreille l’écarte des tremplins (et des podiums où elle se destinait), elle se dirige plutôt vers l’impro et les arts pour ensuite faire un DEC à l’école de Cirque. Son autre grand amour allait se pointer : Stéphane, un ami de sa sœur. Puis à 20 ans, un 3e amour, Louka, son premier enfant. Lysanne termine ensuite son DEC et mène « la vie de cirque » pendant quelques années.
«T’sais, quand tu as ton premier bébé à 20 ans, tu commences à travailler en conciliant avec la famille, donc c’est facile pour moi, j’ai toujours connu ça! »
Ce n’est donc pas tant la carrière sportive qui lui en demande, c’est plutôt la vie de tournée qui s’avérait plus difficile à gérer avec une famille…
« Quelques années après Louka, je devais partir en tournée en Chine, mais quand j’ai su qu’il fallait qu’on quitte 6 mois avant nos familles, j’ai reculé. J’étais juste “pas capable”. Le Cirque du Soleil a été super compréhensif et j’ai retravaillé pour eux par la suite. Mais comme ça m’a fait un “trou” dans l’horaire, on s’est dit : tiens! Pourquoi pas un 2e enfant? Donc Éli (8 ans) est arrivé, 7 ans après Louka.»
Et ton chum, Lysanne? Il te suit là-dedans?
« Ben oui! On forme une bonne équipe, on s’est ajustés. Il m’a suivie dans des tournées. Là, il travaille à la STCUM parce qu’il peut rentrer tôt le matin et finir tôt le soir. On n’aime pas ça, laisser les petits aux services de garde… Mes parents sont déménagés tout près, ça aide aussi beaucoup! »
Stéphane et Lysanne sont encore ensemble après 16 ans! Je suis conquise : awwh des « sweetheart lovers » comme dans les films!
Lysanne a aussi profité de ce « trou dans l’horaire » pour remonter sur un tremplin et s’essayer au plongeon de haut vol (qu’elle avait tenté 10 ans auparavant). En tant qu’acrobate, trampoliniste et ex-plongeuse, elle avait tout ce qu’il fallait pour se lancer du haut de ces plates-formes (ou ponts ou falaises ou édifices)!
C’est un sport extrême où tout est calculé : « on doit faire nos vrilles, saltos ou autres figures dans les 10 premiers mètres, car ensuite, il faut se positionner pour arriver par les pieds et des homme-grenouilles attendent un « thumb up » en sortant de l’eau pour s’assurer que tout va bien. Si je n’arrive pas parfaitement, je peux me blesser. Cela dit, je suis toujours super prudente et je ne prends aucun risque. Je ne tente un plongeon de haut vol que lorsque je SAIS que je peux le réussir parfaitement. »
Lysanne a donc continué d’enchaîner les plongeons de spectacles et les contrats de cirque pour plusieurs troupes. Lorsque Redbull a ouvert le volet féminin du circuit international de plongeon de haut vol, Lysanne a dû attendre la fin de sa 3e grossesse avant de répondre à l’invitation et d’enfin saisir l’occasion de ses rêves. « Falvie (3 ans maintenant) se joignait à nous en 2013 et je me suis tout de suite remise à plonger.
« J’aime tellement ça, les bébés! J’aime ça, être enceinte, j’aime ça, allaiter! Si je ne me retenais pas, j’en ferais encore plein d’autres! », me dit-elle en riant. « Mon chum aussi est bon avec eux. J’ai allaité longtemps, entre deux spectacles et entre deux plongeons, mais là… c’est fini, je pense. ‘Faut avoir assez de temps pour chacun… et puis ma carrière sportive décolle à l’international! Mais je ne suis pas inquiète, j’ai les priorités à la bonne place : ma famille passe d’abord, le plongeon vient après. »
Bien que Lysanne Richard soit l’athlète féminine 2016 de la FINA (Fédération Internationale de Natation Amateur) catégorie haut vol, qu’elle ait remporté la Coupe du Monde de plongeon de haut vol en 2016 et plusieurs médailles Redbull Cliff Diving, sa passion ne lui permet pas d’en vivre complètement puisque le sport n’est pas encore olympique et donc, les bourses d’entraînement ne lui sont pas accessibles.
Cela dit, fini le cirque pour le moment : toutes les énergies de la famille sont investies dans sa carrière sportive. Lysanne a bon espoir que le plongeon de haut vol gagne sa place aux Jeux olympiques de 2020, où elle a définitivement des chances de se rendre. Elle n’est pas la plus vieille même si la moyenne d’âge est de 30 ans) ni la seule maman (même si l’autre est en congé pour le moment), mais elle demeure la seule athlète de calibre international du Canada dans cette discipline et son parcours est en pleine ascension.
Et la routine, Lysanne, ç’a l’air de quoi ta routine? Tu as fait ton testament? Tes enfants savent que tu te lances à l’eau du haut de falaises?!?
« Hahaha! C’est pas siiii dangereux que ça… t’sais, le haut vol, c’est pas du base jump, non plus! C’est vrai que j’aime l’adrénaline et les sensations fortes à 80 km/h en plongeant, mais on vise la perfection, pas la survie!
Lysanne s’occupe de la routine du matin. Elle se lève à 6 h et commence son entraînement en allant conduire les plus jeunes à la garderie et à l’école à pied ou à vélo selon les saisons. Ç’a l’air de rien, mais une bonne heure de marche dans une journée, ça compte! Comme la famille habite près des installations du Stade, elle se rend ensuite en marchant au Centre Claude Robillard en AM puis à l’Institut national du sport du Stade en PM. « Je vois les autres athlètes des différentes disciplines olympiques, ça crée un esprit de communauté et on a ainsi accès aux meilleurs pros du sport et aux technologies de pointe comme des machines qui calculent la hauteur de nos sauts, notre progression.
J’ai gagné plein de centimètres en hauteur! Et puis la piscine olympique a été super chouette, ils ont aménagé une plate-forme de saut de 17 mètres à partir du toit, juste pour moi! J’y ai accès un dimanche soir sur deux, car il faut que la piscine soit libre et que mon coach soit présent. On espère ainsi développer le sport et le rendre plus accessible pour d’autres athlètes.
En fin de journée, c’est le papa qui va chercher les enfants. Les soirées se passent à la maison, même si occupées par la vie de famille et : des conférences à préparer, des entrevues, du travail de bureau! Lysanne doit accepter toutes sortes de contrats de pub, d’analyse sportive et de chroniques pour arriver. Elle adore, mais ça la dévie de l’entraînement.
Et tes enfants au parc? Est-ce qu’ils se lancent partout? Tu ne dois pas être une mère surprotectrice, toi…
« Non, en effet! Pour le moment, personne n’a tenté les sports “extrêmes”, mais je leur montre l’exemple et on bouge, on fait du sport en famille : les courses de mousse, de foam, de bouette, on adore ça. Mon ado fait du ultimate freesbe, Éli joue au soccer et Flavie débute la gym. Et au parc, je leur montre surtout comment tomber. On attend qu’il n’y ait pas trop d’enfants autour pour faire des acrobaties! »
On pourra suivre en direct Lysanne défendre son titre de championne du monde du 27 au 29 avril prochain à la Coupe du Monde d’Abu Dhabi sur le site de la FINA, puis aux Championnats du monde de la FINA à Budapest en juillet, puis aux 6 compétitions RedBull Cliff Diving entre juillet et octobre prochain. « Je me suis classée cinquième en 2015, deuxième en 2016 et je vise la première place cette année. Mais ce dont j’ai le plus hâte? Aller à la compétition du Texas en famille! »
Lysanne est non seulement une athlète de calibre international, mais elle semble également être une fille lumineuse et enjouée qui fait sûrement une amie précieuse et une mère de haute voltige!