En 1999, l’album Mentalité Moune Morne débarquait dans le paysage musical québécois. Les membres de Muzion y dénonçaient les inégalités sociales avec verve, aplomb et franchise.
MC pionnière au sein du groupe, les mots de Jenny Salgado, alias J.Kill, sont toujours d’actualité. En préparation de son prochain album solo, elle a accepté de répondre à nos questions.
Quelle importance a la famille dans ton parcours?
Je souhaite à tout.e artiste d’avoir ce lieu et ces gens vers qui ils et elles peuvent, à tous les jours, à tout moment, se retourner. D’avoir la certitude, en descendant de scène, en rentrant de tournée, en sortant du spectacle, que celui-ci ait été un high délirant ou une déception, de pouvoir regagner sa famille.
Pour moi, la famille, c’est autant ceux et celles qui m’ont vue renaître dans mon identité propre, qui étaient là avec moi quand je parle d’où je viens que ceux vers qui je rentre à la maison et qui me ramènent à une forme de vérité essentielle où je me retrouve dans mes fondements.
À l’ère de l’existence virtuelle, où on ne se connaît plus mais où on s’imagine, la famille, c’est ceux et celles qui te connaissent réellement. Ceux et celles qui savent que tu es plus que l’œuvre que tu crées, que tu vaux plus que ton spectacle. Ceux et celles qui savent comment tu surmontes tes faiblesses, comment tu deales avec tes peurs et tes doutes en quoi tu transformes chacune de tes victoires et quelle ampleur tu donnes concrètement à l’amour.
Peut-on s’attendre à une suite aussi riche et représentative de ton univers que l’était l’album …Et tu te suivras?
Je dirais oui dans la mesure où ceux et celles qui me connaissent vont me retrouver. Ce sera légèrement plus dénudé, plus groundé dans la forme et plus immédiat, plus urgent dans le fond.
C’est du gros fun, du gros lâché lousse en création et en studio. Je tripe autant à respecter le raffinement et l’intelligence, que ça puisse s’écouter sans contraintes et se lire en profondeur.
Qu’on réfléchisse ensemble et qu’on se parle. Peut-être que c’est le résultat des vestiges de l’esclavage qui parle encore, mais qu’on communique et qu’on reste constructifs, même quand on s’fait danser. Ou qu’on choisisse simplement de fuir ensemble.
Depuis tes premiers textes, est-ce que tu constates un changement dans la façon dont sont adressés les systèmes d’oppression au Québec?
L’oppression a beau épaissir son maquillage, elle ne vieillit pas, elle ne s’en va pas. Elle garde le même visage, les mêmes sillons sous son masque. Or, comme l’oppression change de masques, il semble que pour s’adapter et lui faire face, l’écriture aussi change ses peintures de guerre.
Mes textes ont naturellement mûri avec le temps. Et j’espère qu’ils sont perçus comme je les ressens : plus forts, plus travaillés, plus respectés, plus assurés et assumés, surtout. Et plus à l’écoute.
Tu t’impliques depuis de nombreuses années auprès des jeunes, des femmes et de la communauté haïtienne montréalaise, dont la Maison d’Haïti. Quel sens ont pour toi ces engagements?
Tout est une question d’équilibre. J’essaie de balancer, d’un côté, le peu d’intimité qu’il nous reste à chérir et à préserver. Puis, de l’autre, le sens de la famille qui est appelé naturellement à s’élargir.
Se rappeler de la définition du mot « appartenance », exprimant l’affiliation, les liens communs qui nous unissent tous, plutôt que seulement ce sentiment prédateur de possession, de propriété individuelle.
On m’appelle, on me demande, j’y vais. Je suis dans la rue, je suis dans les centres jeunesse, de détention et pour nouveaux venus, dans les écoles, dans les quartiers du quart-monde… sur le terrain d’où moi aussi je viens.
Merci Jenny pour ton authenticité et ta générosité.
Vous pouvez la suivre sur Twitter et obtenir plus d’informations sur ses projets au jennysalgado.ca.