J’étais enceinte de huit mois, ma sœur était à mes côtés pour assister à mon échographie. La technicienne venait de me confirmer que tout était beau, les reins fonctionnaient bien. Il était en santé, ce bébé à naître. J’étais soulagée et elle m’a posé la question : voulez-vous connaître le sexe? J’étais curieuse, je voulais savoir. Ma sœur qui est infirmière a compris tout de suite alors que moi je me demandais ce que l’écran me montrait. Elle s’est écriée : « C’est une petite fille! »
Un mélange d’émotions m’a traversée. Honnêtement, je pensais porter un garçon. J’étais ravie d’avoir une petite fille, mais j’ai tout de suite pensé à ma grande et mon cœur de mère s’est serré. J’avais un fils qui était en parfaite santé, neurotypique, il était ce à quoi je m’attendais. Ma fille, mon aînée, j’étais passée par une série de deuils, de confrontations émotives, de vraies montagnes russes puisqu’elle cumulait les diagnostics. Comprendre ma grande était complexe. Je me sentais souvent incompétente. Est-ce que cette petite fille à venir allait m’éloigner de ma grande si elle, elle n’avait pas de diagnostics? Est-ce que de vivre, ce qui n’avait pas été possible avec ma plus vieille, me rapprocherait tellement de ma plus jeune, que mon aînée se retrouverait dans l’ombre? J’ai douté au début, mais les années m’ont confirmé le contraire.
Nous avons fêté les 3 ans de Livia et non, elle n’a pris la place de personne. Par contre, je mentirais si j’affirmais que la complicité que j’ai avec elle ne me fait pas plaisir. On se ressemble elle et moi. Jouer avec elle, c’est agréable, car elle réagit, elle renchérit. Elle m’imite, met mes souliers, adore les jeux de rôles. Lorsque j’entre dans son monde imaginaire, je suis bien, le temps s’arrête.
Je n’ai jamais rêvé d’avoir une mini-moi, mais j’avoue que je trouve ça mignon. Son caractère est le mien selon ma mère. Ses mimiques sont également les miennes selon mon conjoint. Sa sensibilité me fait sourire, car je me reconnais en elle. Elle chante, elle danse, on dirait moi quand j’avais son âge, lorsque je visionne de vieilles captures vidéo.
Les années vont sûrement la changer et honnêtement je ne m’y opposerai pas. Je ne tiens pas à ce que ma fille suive mes traces et fasse de moi son seul modèle. Je souhaite lui apprendre à s’ouvrir au monde, à faire des choix selon ses intérêts personnels et surtout, à avoir assez confiance en elle pour s’inspirer du parcours des autres tout en traçant le sien.
C’est sûrement avec un brin de nostalgie que je me souviendrai de l’époque où elle était une version mini de moi, mais je lui souhaite d’aller plus loin. D’aller là où je ne suis pas allée, par peur ou manque de temps, d’apprendre ce que je ne connais pas et de s’épanouir avec les bases que je lui aurai transmises, afin qu’elle ait suffisamment confiance en elle pour de se définir elle-même.