Avertissement de contenu : Ce texte a pour objectif de partager différents vécus de personnes vivant avec un trouble alimentaire afin que plusieurs puissent s’y reconnaître et envisager une réflexion. Il est néanmoins possible qu’il touche certaines vulnérabilités des lecteurs.trices pour qui ce sujet est sensible.
Selon les statistiques, nous serions 300 000 personnes au Québec à vivre ou être susceptibles de développer un trouble alimentaire. J’ai visionné Jusqu’à l’os (version française de To the Bone), le récent film de Marti Noxon diffusé par Netflix. Je ne m’attarderai pas à l’aspect cinématographique de la proposition de Noxon, qui a elle-même souffert d’anorexie par le passé et dont l’expérience a grandement influencé le récit. Je peux néanmoins affirmer que l’histoire d’Ellen diffère de la mienne.
Jusqu’à l’os permet d’aborder ce problème de santé mentale et d’en faire une discussion collective. L’histoire romancée des protagonistes n’offre cependant qu’un regard sur les troubles de l’alimentation, alors qu’ils touchent une diversité de personnes.
De multiples réalités et vécus
Il y a cela de particulier avec les troubles alimentaires, chaque personne vit différemment cette phobie quant à la prise de poids ou à la perte de contrôle face à la nourriture. Chaque histoire est subjective et varie selon le vécu de chacun.e.
Mais sous cette apparence de contrôle et ces règles restrictives, peuvent se cacher des émotions semblables : de la détresse, une faible estime de soi, un rapport biaisé face à l’image corporelle, de l’anxiété ou de la dépression, une peur de l’échec ou de ne pas être à la hauteur, une volonté de perfection en tout temps, de la souffrance psychologique, etc.
Le trouble alimentaire est un masque porté sur diverses formes, genres, origines et classes sociales. Il devient un comportement compensatoire ou d’évitement des situations qui font souffrir l’individu.
Cette multiplicité des récits et des expériences est selon moi un aspect important qui a été évacué du film. Plusieurs TPL Moms ont accepté de partager leur histoire et peut-être vous reconnaîtrez-vous en elles.
Nos récits, nos vulnérabilités
« J’ai développé un trouble alimentaire à la suite d’un régime. Je vivais une situation très anxiogène et je me suis sérieusement accrochée les pieds dedans, à 35 ans. Ça a alimenté mes insécurités. La restriction est devenue une façon d’éviter de vivre toute cette anxiété et de gérer l’intensité de mes émotions. En m’exposant de nouveau à la nourriture, en me donnant des objectifs et un plan alimentaire, je suis maintenant sur le chemin du rétablissement. »
« C’est à 8 ans que j’ai pris conscience de mon corps à cause d’une amie qui m’avait touché le ventre : « Euh wow? Tu es grosse toi… » […] Plus tard, je me suis intéressée à tous les régimes possibles. J’ai commencé à mentir à mes amis, ma famille, à m’isoler. Je me pesais régulièrement. Parfois, j’allais m’entraîner 5 fois par semaine. Question de tout éliminer. […] De l’aide psychologique et nutritionnelle ainsi qu’une prise d’hormones ont su me remettre sur pied, petit à petit. Après plusieurs années, j’ai appris à accepter mon corps du mieux que je peux. C’est un combat de tous les jours. » Témoignage complet disponible ici.
« Quand j’ai pris du poids après mon premier bébé, faire comme avant ne marchait plus : j’avais moins le temps de m’entraîner et de cuisiner des plats santé. J’ai commencé à me faire vomir tous les jours pour rester mince. Après trois ans, je me suis dit que je devrais arrêter, que c’était assez et trop nocif. Évidemment, j’ai repris du poids et je trouve ça difficile, mais j’essaie de continuer un jour à la fois. »
« J’ai fait du pica par anxiété. Je mangeais tout ce que je trouvais qui était non comestible. Aussi, je me privais souvent de manger des repas et je faisais des crises boulimiques. Ça a duré presque 10 ans. »
« En poursuivant l’objectif de perdre du poids au secondaire et au cégep, je suis devenue très restrictive envers ce que je mangeais. J’ai travaillé sur ma confiance en moi et j’ai passé par-dessus le trouble. Mon premier chum m’a aussi aidée à changer mon focus. Ça me suit encore des fois, 15 ans plus tard. Mais je ne fais plus rien de drastique. Avec deux grossesses de suite, je sais que je pourrais être propice à retomber dans le panneau. Je demeure consciente que je suis sensible à ça malgré tout. »
« J’ai été élevée à finir mon assiette, même si je n’avais pas faim. Vers 12 ans, mes parents m’ont dit que j’étais une future grosse. J’ai arrêté de me nourrir pour ne pas devenir comme ils le prédisaient. J’ai tellement maigri que ça en était inquiétant. Une infirmière m’a donné un ultimatum : ” Tu commences à manger ou c’est l’hôpital. ” J’ai eu peur, alors j’ai recommencé à me nourrir.
Ma relation avec la nourriture n’a jamais été super, jusqu’au jour où je me suis mise à cuisiner. Maintenant que j’adore la nourriture (et de façon saine), il me reste à m’aimer moi, à m’accepter. Ça fait trois ans que j’y travaille et je n’ai jamais été aussi près du but. J’ai également une fille qui, comme tous les enfants, fait preuve de gourmandise. Je m’assure qu’elle n’ait aucunement les séquelles et les peurs que j’ai connues. »
Débuter un cheminement vers le rétablissement
Au Québec, nous avons des ressources qui demeurent accessibles : Anorexie et Boulimie Québec, le programme de l’Institut Douglas, des psychologues privés spécialisés et du support pour les parents et amis.
Nous le dénonçons souvent sur cette tribune, les services en santé mentale devraient être davantage financés publiquement pour répondre aux besoins des personnes au moment nécessaire. Il ne faut toutefois pas hésiter à aller chercher du soutien, c’est la première étape vers le rétablissement. Surtout, vous n’êtes pas seul.e.s.