Les événements de cette fin de cette semaine (#Charlottesville) m'ont beaucoup secouée. La haine semble avoir pris le dessus et ça laisse un goût de vomi en bouche et un trou au cœur. Mais ce qui m’a au moins autant dérangée, c’est la croyance que le monde se divise entre « eux », les néo-nazis et « nous », les gentils qui regardons ébahis la montée de l’extrême droite sans comprendre. Comment est-ce possible, toute cette déferlante d’intolérance? 
 
 C’est possible, parce que nous la laissons passer. Parce que ça nous rend un peu mal à l’aise de la nommer, quand ce sont des gens que l’on aime qui la propagent doucement, des fois même sans malice, sans intention de faire du mal, en répétant ce qu’on a entendu ailleurs.
 
Bien sûr, nous pouvons nous dire : « Mes enfants ne seront pas comme ça. Ils sont dans une bonne famille. J’ai à cœur leur éducation. Je me fais un devoir de leur apprendre la tolérance, de leur enseigner la compassion. » Nous pouvons rester confortables et penser que c’est assez. Que les gens qui ont défilé avec des torches et la haine au cœur ont eu des mauvais parents. Nous pouvons même aller plus loin et montrer ouvertement à nos enfants le privilège qu'ils ont de ne pas devoir fuir leur pays. D'être légaux parce que nés au bon endroit, même s’ils n’ont rien fait pour. Que d’autres enfants n’ont pas cette chance. On peut faire tout ça et se donner bonne conscience. Mais ça, c'est le bout facile, je dirais même que c'est la moindre des choses. 
 
Ce qui est plus exigeant, mais tout aussi primordial, c'est de montrer à nos kids notre intolérance face à la haine. Nos limites claires face au racisme. Et ça, c’est difficile.
 
Ça veut donc dire d'exiger, devant eux, que de tels discours soient marginalisés. C'est d'avoir la tâche désagréable de casser le party quand le mononcle trop saoul passe des remarques racistes à l’épluchette de blé d'Inde. C'est de prendre le temps d'expliquer à grand-maman au pique-nique qu'on trouve ses propos déplacés et de nommer pourquoi. C’est de dire au parent à la garderie, que non, on n’est pas d’accord avec sa dernière remarque. Sans les rabaisser, sans les infantiliser, sans les mépriser. Justement parce qu’on les respecte et qu’on respecte leur intelligence, de leur montrer que nous ne sommes pas d’accord et que de tels discours vont toujours trouver des détracteurs sur leur passage.
 
En leur montrant que oui, on est dans la même famille, et qu'on mérite du respect au même titre que les migrants, les Noirs ou les « Autres. » Ils font partie de la famille humaine et méritent aussi du respect. Que des enfants sont des enfants et qu'ils méritent tous et toutes la sécurité, l'affection, un avenir, des chances égales. Et que c'est notre rôle de leur en offrir ou, à tout le moins, de ne pas les empêcher d’y accéder en ne disant rien devant des politiques discriminatoires ou des discours méprisants. 
 
Dans des temps sombres et haineux, ce n'est pas juste l'amour qui doit gagner. C'est aussi la prise de parole. Pour ne pas laisser la haine passer, il va falloir se lever. Je ne veux pas seulement que mes enfants soient dans une bulle qui les protège de la méchanceté, ce serait trop facile. Les méchants, c'est nous tous qui les produisons en les laissant librement mépriser ceux et celles qu'ils considèrent différents. 
 
Je veux que mes enfants se lèvent pour nommer les monstres : le racisme, l'homophobie, l'intolérance, l'injustice. Et pour cela, je devrai le faire devant eux, aussi inconfortable que ce soit. Pour que nos enfants comprennent que le monde ne se divise pas entre « eux » et « nous ». Et pour leur offrir ainsi un monde où l'horizon des possibles est infini.