Grand magasin. Rayon de l’Halloween.
Ça prend 2 secondes pis je dash déjà vers la colonne d’en face pour empoigner l’intercom et hurler un chapelet de blasphèmes-mot-compte-triple dans les speakers de la grande surface. J’me transformerais en Hulk si j’avais pas l’assurance que dans la version actuelle des choses, je serais verte, certes, mais avec une minijupe en glitter adroitement déchirée pour montrer de la cuisse sexée, donc je change d’idée.
Crédit : Stéphanie Desforges
J’adore l’Halloween. Depuis toujours. J’aime me déguiser, trier mes bonbons, regarder Friday the 13th pour la centième fois, faire le party et gagner le premier prix dans un bar parce que mes costumes sont faits avec mes petites mains, ouvrir la porte aux enfants puis, tout dernièrement, faire vivre tout ça à ma petite.
C’est depuis son arrivée que je me suis aperçue d’un truc qui m’était complètement passé au-dessus de la tête. Alors que moi, petite, je pouvais me déguiser en épouvantail avec le foin du voisin ou en danseuse de tango avec la robe de ma tante, aujourd’hui, les costumes, ça s’achète, dans une poutch en plastique pis c’est généralement musclé en mousse pour les tsi-gars ou plein de froufrous-ascendant-sexy pour les filles.
À moins de mettre le paquet et d’acheter sur Etsy ou de prendre le temps pour les fabriquer soi-même, les costumes qui font envie à nos enfants sont tellement genrés que c’en est pathétique. On rajoute du « genre » là où y’en avait même pas au départ.
Votre enfant aime la Pat Patrouille? Les costumes de Stella et d’Everest viennent avec des robes à volants. Et si elle a envie d’être un super héros, elle le sera sacoche au bras (trop petite pour contenir ses bonbons, on s’entend) et en tutu aux genoux.
Les fin finauds du marketing prennent les robes de princesse et leur colle un tag Batman sur le chest comme pour cacher qu’au fond, le seul costume vraiment acceptable, c’est celui de la fille ultra girly, hypersexualisée, gainée de rose et aveuglante de paillettes.
« Sauve le monde, mais pas trop, tu voudrais pas salir ta jupe ou faire une maille dans tes collants. »
Crédit : Giphy
J’ai un réel problème avec ça et ça se traduit vraiment très concrètement chez moi. Ma fille a été Capitaine Kirk, Princesse Générale Leia Organa puis un papillon rouge. Cette année, elle s’en fout, elle veut juste porter une longue robe rose avec du maquillage. Elle me le répète tous les soirs avant de se coucher. Impossible de négocier quoi que ce soit. Elle pourrait être déguisée en Spiderman, si c’est la version rose décolletée avec un tutu, c’est all good.
Crédit : Julie Marchiori
Je ne dis pas à ma fille ce qu’elle doit être et ce qu’elle doit aimer. J’ai envie qu’elle aille à la découverte d’elle-même en explorant le plus de modèles possible. Mais si l’offre imaginaire qu’on lui propose ne fait que reprendre les mêmes osties de niaiseries, y’a des bonnes chances pour qu’elle finisse par croire ce qu’on lui dit, même si ça fait des années que son papa et moi lui disons que c’est pas vrai pantoute, la schnoutte marketing.
Cette année, elle sera donc « robe rose et makeup générique », parce que c’est son choix. À son âge, mes arguments raisonnables n’ont pas de poids. Elle s’en contrecrisse de mes fables rationnelles. Elles n’ont aucune chance devant le strass fluffly et le doré à traîne de mariée de ce fantastique costume d’Ironman réinventé.
Crédit : mm91/Pixabay
Je continuerai de lui proposer autre chose, de lui parler de diversité. De la mettre devant des modèles différents, des éventualités variées. Et un jour, comme le gruau et les épinards, ben ça fera son chemin jusque dans son petit monde à elle. Savoir que ça existe et qu’on peut être qui on veut sans que son identité ne tienne à un tutu qui brille. Pis que le soir de l’Halloween, on reçoit autant de bonbons, qu’on soit habillé en rose ou non.