Le consentement, ce n’est pas juste pour les one night stand.
J’ai été dans une relation vraiment longtemps. C’était mon high school sweetheart. J’étais jeune, lui aussi. Il a été mon premier, j’étais sa deuxième. Ça aura duré 10 ans.
Quand j’ai été prête à faire l’amour, il a été vraiment doux avec moi. Il m’a respectée dans mon attente et ne m’a mis aucune pression. J’ai été chanceuse (comme si pour se faire respecter fallait être chanceuse alors que ça devrait être la normalité), parce que c’est pas le cas de beaucoup d’adolescentes.
Au début, on faisait ça comme des lapins. J’en avais jamais assez ou presque et n’importe quel endroit devenait un challenge. Les folies de jeunesse. Avec le temps, la routine s’est installée. Veut veut pas, on a été pris dans le tourbillon de nos vies, les obligations, l’école, le travail, le premier appart, la vie d’adulte quoi!
J’avais moins envie de faire l’amour. Avant, on pouvait le faire sept ou huit fois par semaine. Parfois, deux fois la même journée. Fous de même! Plus tard, c’était une à deux fois par semaine. Pour lui, c’était pas assez, pour moi, c’était juste assez. Souvent trop.
Ça commençait toujours de la même façon. Il m’embrassait langoureusement et ses mains se baladaient sur moi. En fait, non, elles allaient directement sur mes seins, comme un aimant. Au début je disais non, j’avais pas envie. Ça allait, il comprenait. Il revenait à la charge le lendemain. Même scénario. Sauf que je cernais cette déception sur son visage. Le surlendemain, ça recommençait.
Au fil du temps, mes refus l’agaçaient. Il insistait. Mes nons à ses premiers moves ne suffisaient plus. Il continuait. Les gestes insistants s’accompagnaient maintenant de phrases culpabilisantes qui poignardent le cœur :
« Envoèwe donc, ça fait longtemps »
« Oui, mais moi j’ai envie »
« C’est parce que ça fait X jours qu’on l’a pas fait. J’ai des besoins. »
Quand j’avais le malheur d’insister dans mon refus, il me faisait sentir coupable, il me boudait. Je me retournais avec ce nœud dans l’estomac, ce pincement au cœur, cette boule dans la gorge.
La culpabilité me rongeait, celle de décevoir mon conjoint. Maintenant, les fois où il s’essayait, que je disais non et qu’il insistait, je finissais par dire oui. Parce que non, j’avais pas de plaisir. Je faisais semblant. C’est faux de croire que parce que le gars lèche le down there de sa blonde pendant trois secondes en lui pognant un sein, elle va soudainement avoir envie de lui. Encore moins quand le gars lui demande de lui faire une pipe. Ça la met pas dans le mood, ça LE met dans le mood.
Le nombre de fois où j’ai faké l’orgasme pour satisfaire sa masculinité pis pour qu’il finisse sa job… Parce que heille, si je venais pas, c’était pas de sa faute! Oh que non! C’était moi qui était difficile à faire venir.
C’est jusqu’à tout récemment, avec l’information sur la culture du viol, que j’ai compris que ce que j’ai vécu lors des cinq dernières années de vie sexuelle avec cet homme n’était pas normal. Que malgré le fait que je disais non, il insistait pour que je dise oui. Que pendant cinq ans, celui qui devait me respecter dans mes choix, dans mes droits, dans mes envies était celui qui les violait sous prétexte que « oui, mais en insistant vraiment fort, elle a dit oui ».
J’ai pu observer, à travers les années, que la faute repose toujours souvent sur la femme. Elle s’est fait violer?
– Oui, mais elle était habillée sexy ;
– Oui, mais, elle le frenchait à grande bouche dans le bar ;
– Oui, mais elle dansait sexy toute la soirée ;
– Oui, mais elle l’a invité chez elle ;
– Oui, mais elle voulait au début.
Ce que la notion de consentement nous dit, c’est que quand c’est non, c’est pas oui. Que même si au début, tout le monde est dans le mood, si un des deux ne veut plus, ça devrait s’arrêter là, que ce soit dans le cadre d’un one night stand ou d’une relation qui dure depuis 10 ans.
Je suis sortie de cette relation il y a 11 ans maintenant. C’est un choix et j’avoue que ça n’a pas été facile. Je me suis finalement choisie parce que je n’en pouvais plus de me sentir coupable chaque fois que je n’avais pas envie de faire l’amour ou de m’obliger à le faire parce qu’il me mettait de la pression.
La culture du viol est tellement ancrée dans notre société qu’en tant que femme, ce que je vivais, pour moi, c’était normal. Je suis certaine que 80 % des lectrices qui liront ce texte se reconnaîtront. À vous toutes, je vous le dis, y a de l’espoir. Ce que vous vivez présentement, c’est un fardeau que vous ne devriez pas porter.