Après avoir passé ma grossesse à être une foire ambulante « Entrez, mesdames, et messieurs, venez admirer une femme enceinte de sept mois » et entretenu une conscience de moi-même plus importante qu’à l’habitude, j’ai eu le besoin de m’effacer, par choix.
Je n’en pouvais plus des « Ahh la belle bedaine! », « T’as pris combien de livres? » et « Ouais, maintenant, on le remarque que tu portes un bébé. » Pris indépendamment, ces commentaires pouvaient sembler inoffensifs, mais leur cumul me pesait à la fin de la journée.
À la suite de mon premier accouchement, mon corps de nouvelle maman continuait à être scruté. La grosseur de mes seins de mère allaitante a même été soulignée par mon entourage. Fatiguée, je n’avais plus la force morale de débattre des injonctions sur l’image corporelle dont j’étais encore une fois la cible. J’ai endossé le combo « coton ouaté et leggings », non pas par lâcheté ou parce que je laissais tomber, mais plutôt parce que j’avais besoin d’une armure.
Cette dernière me prémunissait des remarques visant mon poids, mes changements corporels post-grossesse, la sexualisation de mes courbes et toute autre discussion qui n’était pas ma priorité alors que j’avais à prendre soin d’un autre humain. Et surtout, je n’avais pas le goût de les adresser à chaque fois qu’elles surgissaient.
Ainsi vêtue, je n’avais pas à performer ma féminité et je pouvais me cacher derrière ce paravent qu’est l’image socialement attendue de la mère dépassée. Oh, l’attrait du conformisme… Pour une rare fois, un stéréotype m’offrait sécurité et protection le temps que je retrouve un peu d’espace pour prendre soin de moi.
Laisser les mères faire leurs propres choix quant à leur apparence physique
« T’as pas l’air d’une mère?! » Ce qui m’énerve dans ce commentaire, c’est la personne qui le fait. Comme si nous devions séparer les mamans qui font « un effort » des autres qui font « pitié ». Pourquoi sans cesse commenter le physique des femmes et les réduire à leur apparence?
Je voudrais n’en avoir rien à faire de ces remarques et de leur condescendance. Encore moins quand mon rôle est d’allaiter ou donner un biberon aux deux heures et de jouer par terre. Ça fait juste démontrer comment les soins aux enfants sont peu valorisés dans notre société. Chacune a le choix de s’habiller comme elle le souhaite, de faire des rituels de beauté, du low maintenance, d’arborer un décolleté ou toute petite action qui lui procure du bien-être. Pas aux autres, à elle.
Est-ce que j’en ris aujourd’hui? Certainement. L’autodérision m’a fait un bien fou, contrairement au mépris silencieux de certaines personnes. J’ai trouvé du réconfort dans cette sororité imaginée de mères fatiguées partageant une même réalité, au moment où j’en avais besoin.
Et je savais que cette étape serait passagère et que je reporterais mes robes de 2012 un jour. Mais je me suis permis, pendant cette brève période, de me soucier le moindrement possible de mon apparence.
Réfléchir à ses propres sentiments et aux diktats sociaux
Cette pause a fait taire un temps les doutes et pensées négatives face à mon corps ou aux changements physiques associés à ma grossesse. Elle m’a aidée à me détacher un peu du regard des autres, me décentrer de mon nombril, du souci de faire bonne impression et d’obtenir de l’approbation sociale par la façon dont je suis vêtue.
Ça m’a donné un espace de liberté pour réfléchir aux diktats sur la beauté et l’apparence physique qui nous affligent toutes. Je suis une maman et une femme qui essaie de déconstruire petit à petit les principes sociaux qui m’ont façonnée. Et endosser pendant quelque temps ce pseudo-costume de mère avec de la broue dans le toupet m’y a encouragée.
Ne présumons donc pas qu’une mère en sweats ne prend pas soin d’elle. Peut-être qu’au contraire, c’est ce qu’elle s’efforce de faire.