Cher père absent,
Il y a quelque chose dont j’aimerais te parler, un petit rien tout juste énorme qui me trotte dans la tête et qui se sent l’envie de te chatouiller, rien qu’une minute, dans ton confortable silence.
Le sais-tu, que la mère de tes enfants, c’est une héroïne? Quand tu sors le samedi soir, et tous les autres jours de la semaine, juste « parce que », sais-tu que ce privilège, c’est elle qui te l’accorde? La remercies-tu, de leur lire une histoire et de les border soir après soir, même quand elle aurait plutôt envie, ou besoin, de tout jeter par la fenêtre, #FuckToute?
Le sais-tu, que cette femme à qui tu as proclamé ton amour, porte maintenant sur ses épaules le monde de toute la belle marmaille avec laquelle tu l’as laissée? Qu’elle pleure, parfois tout haut, parfois tout bas, ou peut-être en silence et à sec, mais certainement souvent? Qu’elle jongle avec les besoins émotifs et physiques d’elle-même et des petits, qui, crois-moi, n’ont pas fini de crier ton absence?
Le sais-tu qu’elle se fait parfois poursuivre dans le métro, juste pour se faire offrir un mouchoir, parce ce que ce jour-là, même un public n’aura pas empêché la tristesse de ruisseler le long de son visage fatigué?
Le sais-tu qu’elle aimerait sûrement hurler, et que lorsqu’elle ne peut s’en empêcher, elle est ensuite rongée par les remords?
Tu sais, je ne t’en veux pas de t’amuser, j’en ferais autant si on me libérait subitement de mes responsabilités. Mais personne ne t’a libéré, toi, et la question n’est de toute façon pas là.
C’est elle qui puise une force d’une source intarissable, parce qu’elle provient de ses entrailles, pour naviguer seule cet univers de la famille monoparentale. Et pour ça, elle est une héroïne. Quand les enfants sont enfin couchés et qu’elle pousse un long soupir devant sa maison vide, car c’est un de ses soirs où elle s’y sent infiniment seule, mais qu’elle termine tout de même le ménage. Parce qu’entre le travail, l’école, la garderie et toutes les autres obligations, il n’y a plus d’espace pour regarder quelqu’un dans le blanc des yeux.
Le sais-tu, qu’elle doit se battre, qu’elle est guerrière fois mille, mais qu’elle rêve de trouver un port ou poser parfois ses armes et se reposer? Bien sûr, cela ne t’appartient pas. Mais je t’en prie, la prochaine fois que tu siroteras tranquillement une bière au soleil, perdu dans tes pensées ou alors les yeux plongés dans ceux d’une nouvelle femme, assure-toi de ressentir vraiment pleinement la légèreté de ce moment. Et écris à cette femme, cette ex, celle qui se démène, écris-lui ta reconnaissance.
Juste ça.