Je ne sais pas si c’est parce que je suis diplômée de Polytechnique, parce que j’ai vécu 4 ans entre les mêmes murs qu’elles, parce que je me suis assise sur les mêmes chaises, parce que j’ai écouté les mêmes profs m’enseigner les mêmes formules mathématiques, ou tout simplement parce que je suis une femme, que chaque année, je pense à elles. Elles, ces étudiantes, qui se sont fait assassiner le 6 décembre 1989 parce qu’elles étaient tout simplement des femmes.
Je ne sais si c’est parce que j’ai connu Polytechnique, ou si c’est parce que je suis la mère qu’elles n’ont pas pu devenir, que j’ai envie de me battre pour l’égalité. Pour que mon garçon et mes filles grandissent dans un monde dans lequel il et elles pourront continuer de s’exprimer, de choisir, de dénoncer et se faire écouter, sans avoir peur.
Je ne sais pas si c’est parce que je suis allée à la Poly, ou tout simplement parce que je suis une personne qui a tendance à se sentir invincible dans la vie, que je trouve ça complètement débile qu’on en soit rendu à faire pratiquer des exercices de confinement en cas de tireur fou à nos enfants de l’école primaire. Même si je sais que des histoires comme celle de la Polytechnique, ça semble se reproduire de nos jours comme des mouches à fruits dans un plat de bananes.
Je ne sais pas si c’est parce que je suis allée à la Polytechnique, ou parce que je suis l’ingénieure qu’elles ne sont jamais devenues, que j’ai envie qu’en 2018 cessent ces enjeux de pouvoir patriarcal, ces inégalités salariales, ces gestes inappropriés dans les milieux de travail, ces abus de pouvoir, ces agressions qu’on semble avoir rebaptisés « inconduites ».
Je ne sais pas si c’est parce que je suis passée à travers Polytechnique, ou tout simplement parce que je sens que c’est mon devoir en tant que personne privilégiée, que j’ai envie qu’on se souvienne de ces victimes du drame de Polytechnique, mais aussi de toutes les autres, ces femmes autochtones qu’on a abandonnées ou ignorées, ces fillettes mariées de force, ces femmes qui n’ont pas le droit de prendre la parole et continuent de vivre dans un climat de terreur.
Par solidarité aussi, pour poursuivre les progrès féministes que nos mères et nos grands-mères ont entamés, et pour se rappeler qu’il ne faut jamais rien tenir pour acquis.