Mon admiration sans bornes pour les étudiant.e.s américain.e.s qui se mobilisent pour le contrôle des armes à feu
Estelle gb J’ai grandi dans une famille d’idéalistes. Mes parents sont des personnes engagées, même si pas vraiment « militantes » (quoique, j’ai de beaux souvenirs d’eux pendant la grève étudiante de 2012, et ils sont super actifs dans le comité régional de leur parti politique!). Ils sont toujours à rêver de plus de justice, et à s’enthousiasmer pour toute initiative de résistance, que ce soit Idle No More, Black Lives Matter, la révolution tunisienne ou les initiatives citoyennes d’aménagement urbain.
Au cours de mon enfance, j’ai entendu très souvent mon père affirmer à quel point il avait confiance en la « jeunesse » (mon père est un éternel optimiste). Selon lui, les « jeunes » vont tout changer. Ils et elles vont révolutionner le monde, inventer de nouvelles manières de vivre ensemble, combattre les injustices…
Plus jeune, ça m’a toujours énervée de l’entendre comme ça célébrer le mouvement de « la jeunesse ». Oui parce que, de quelle jeunesse parlait-il exactement? Moi qui faisais partie de cette dite jeunesse, je voyais qu’elle ne formait pas du tout un tout uni, supposément porteur d’un projet émancipateur. Elle était, comme n’importe quelle génération, bigarrée et conflictuelle, et elle comptait dans ses rangs une bonne gang de « caves » (sexistes, racistes, conformistes, entre autres) pas du tout prêt.e.s à se battre pour la justice sociale. Son discours pro-jeunesse m’exaspérait.
Mais voilà que depuis quelques jours, je m’entends employer les mêmes mots que mon père pour exprimer mon admiration pour les jeunes étudiant.e.s qui prennent la parole et la rue pour réclamer le contrôle des armes à feu aux États-Unis. Avez-vous entendu le discours d’Emma Gonzalez, une élève de la Parkland Florida Highschool, contre le port d’arme? J’ai pleuré! Quelle éloquence, quelle intelligence! Je suis bouche bée.
Crédit : CNN/YouTube
Et hier, en ouvrant la radio, d’entendre tous ces étudiant.e.s scander ” Shame on you! Shame on you! ” (honte à vous!) dans les rues de Washington ou de la Floride pour dénoncer les politicien.ne.s qui refusent de légiférer pour assurer la sécurité dans les écoles… Ça me donne des frissons.
Crédit : Guardian News/YouTube
On dirait que depuis que je suis mère, je comprends un peu mieux ce que mon père veut dire quand il affirme sa confiance en la jeunesse. Il y a quelque chose d’étrangement puissant, quand pour la première fois, on fait d’une personne plus jeune que soi (de beaucoup plus jeune que soi, genre une personne de la génération qui nous suit) un modèle et une source d’inspiration pour nos actions futures. Emma Gonzalez, de 16 ans ma cadette, vient d’entrer dans ma liste. Balkissa Chaibou, la jeune Nigériane militant contre le mariage forcé, de 12 ans ma cadette, en fait aussi partie. Erica Gardner, militante du mouvement Black Lives Matter qui nous a quittés récemment, en était une autre.
Crédit : blackgirlweekly/Instagram
Je ne sais pas si ça vous a fait ça, mais quand je suis devenue mère, j’ai aussi eu le sentiment qu’à partir de maintenant, le monde ne m’appartenait plus. Que j’allais évidemment continuer à lutter, à m’organiser et à créer pour plus de justice, mais que l’avenir leur appartenait dorénavant à eux, mes enfants. Et que dans cette transmission de la vie qui s’effectue dans le passage des générations, il y a aussi cette transmission d’un souci pour « prendre soin du monde » qui s’effectue. Pour paraphraser Martine Delvaux, je dirais simplement « le monde est à vous »! Prenez-le, transformez-le, il est à vous, mes enfants, à votre génération.
Et quand je regarde les jeunes étudiant.e.s marcher dans les rues de Washington, j’ai envie d’ajouter : vous avez toute ma confiance! (Eh puis là je me dis que je sonne vraiment comme mon père!)