« Ils ne s’en souviendront pas, vous savez. »
Nous étions au Costa Rica. Coco avait deux ans, Bout d’Chou huit mois. Au resto, nous attendions notre dîner. Un couple de Français, contents d’entendre une langue familière, nous avait abordés. Il n’avait fallu que quelques minutes de discussion pour qu’ils se sentent à l’aise de nous le dire : ils ne voyaient pas l’utilité de voyager avec des enfants si jeunes.
J’ai ri : « Oh, mais nous prenons des photos, Monsieur! »
J’étais sincère : ce genre d’incompréhension, ça m’amuse. Le moment où le calendrier scolaire dictera le moment où je peux partir arrivera bien assez vite ; pas question d’ici là que je m’empêche de voyager en mai, en septembre ou en février sous prétexte que les enfants sont trop jeunes pour garder des souvenirs de l’expérience!
Pour moi, c’est important de voyager, d’aller voir ailleurs. Ça ouvre les horizons et ça remet les choses en perspective. La plupart du temps, quand je prends des vacances, c’est pour partir en voyage. Il était hors de question pour moi que ça change une fois que je serais maman.
Bon, évidemment, certains aspects ont changé. Nous avons dû nous adapter aux besoins et au rythme des enfants. C’était inévitable. Nous avons abandonné les auberges de jeunesse au profit des appartements et des hôtels plus luxueux. Nous faisons des sacrifices : il y a des activités que nous mettons de côté, des attractions que nous ne visitons pas. Nous avons ralenti : nous prenons des jours de repos, nous mettons des siestes à l’horaire et nous prévoyons des arrêts au parc. Sauf que voilà, tout ça ressemble beaucoup aux adaptations que j’ai apportées à mon quotidien à la maison depuis que j’ai des enfants. Ici ou ailleurs, c’est du pareil au même. Quelques heures de voiture pour aller chez grand-maman ou quelques heures d’avion pour aller visiter un autre pays, je ne vois pas de différence. Ou plutôt si : c’est vraiment plus facile de divertir des enfants quand on n’a pas les deux mains sur le volant!
Et justement, du divertissement, en voyage, il y en a partout, tout le temps. Même pas besoin de le prévoir, il est juste là. D’office. Tout est une aventure. Avec, en prime, le dépaysement, les découvertes, la pause de la routine. Comme maman, ça m’émeut de voir les enfants vivre leur propre expérience. Ils s’adaptent avec une facilité déconcertante. Ils mangent des plats locaux parce que c’est ce qui est disponible. Ils jouent avec les quelques jouets que nous avons apportés sans demander ceux qui sont restés à la maison. Ils dorment dans des lits inconnus, regardent la télé dans une langue qu’ils ne comprennent pas et nous suivent d’une ville à l’autre sans rechigner. Ils enchaînent les longs déplacements en avion, en voiture, en train. Ils voient des choses qu’ils n’ont jamais vues avant. Oui, parfois souvent, ils tripent vraiment plus sur le bâton trouvé sur le sentier que sur la vue sur le volcan à la fin de la randonnée. Mais bon, tant pis, cette vue-là, elle sera pour moi. À cet égard, oui, c’est plus pour moi que pour eux que je veux voyager. Et alors? Il me semble que j’ai encore le droit de faire des choses qui me plaisent à moi.
Non, ils ne s’en souviendront pas, mais, sur le moment, ils se seront amusés. À plus long terme, ils intégreront des leçons qui vont au-delà des paysages aperçus et des musées visités. Ils sauront qu’ailleurs, il y a autre chose. Et puis, moi, je m’en souviendrai. Ça compte quand même pour quelque chose.
Mais de toute façon, je prends des photos.