Mon petit commence la maternelle. Le temps a filé. Il y a cinq ans, j’avais un bébé tout doux qui se lovait contre moi. J’ai cligné des yeux et il était devenu un écolier. La petite enfance est terminée, c’est maintenant devenu clair. Nous avons fait les adieux aux copains et aux copines de la garderie, remercié avec chaleur son éducatrice adorée. Nous avons acheté le sac à dos qu’il a lui-même choisi, rempli des fournitures scolaires obligatoires, toutes correctement identifiées. Nous avons rangé la boîte à lunch et tous les accessoires pour lui faire des beaux lunchs zéro déchet. Nous avons visité l’école. La fin de semaine, nous avons été jouer au basket dans la cour d’école, question de l’acclimater à son nouvel environnement. Et même son outfit de premier jour d’école est choisi. Je pensais donc qu’il était prêt.
 
C’était quelques jours avant la rentrée, je le voyais trop longtemps calme et pensif, peut-être un peu inquiet. Ses grands yeux tourmentés me chicotaient. Je lui ai demandé s’il pensait à l’école.
 
« Oui », répondit-il gravement. « Maman, comment on se fait des amis? »
 
La question. Et son air piteux. J’avais oublié l’essentiel. La nervosité qui accompagne la nouveauté. Les papillons dans l’estomac quand on entre dans une classe où aucun visage familier ne nous attend. L’insécurité de la solitude et la nausée qui vient des fois avec. Le sentiment angoissant qui nous afflige quand on entrevoit la possibilité d’être seul.e longtemps tandis que les autres jouent nonchalamment.
 
C’est pourtant la même chose adulte. Chaque nouvel emploi, chaque nouveau groupe de connaissances qui m’était moins familier, chaque party où je ne connaissais pas grand monde, même chaque manif à laquelle je n’allais pas avec mes camarades habituels. Les papillons dans le ventre, les mains moites, la nervosité qui se terre dans la gorge et surtout, les incessantes interrogations : vais-je être seule? Avec qui je vais parler? Et si je ne me lie à personne? Mais chaque fois, je me suis fait des ami.e.s. En me présentant. En parlant. En posant des questions.
 
Alors c’est ce que je lui ai dit.  D’aller voir les autres qui se sentent assurément aussi intimidé.e.s que lui. Qu’il suffisait de parler. De dire quelque chose, n’importe quoi. Et de poser une question.
 
On s’est pratiqués, j’ai fait semblant d’être une écolière. Il m’a dit « Salut, moi j’aime vraiment beaucoup jouer aux Légo et toi? »
 
Puis, je lui ai demandé comment il était devenu ami avec le petit garçon plus vieux que lui dans son cours de natation. Il m’a dit « Maxime? Ah, c’était facile. Il s’est assis à côté de moi et il m’a dit "Tu sais quoi? J’ai un perroquet." Et moi je lui ai demandé s’il lui avait appris à répéter des mauvais mots. »
 
Et là, en riant tous les deux, nous savions qu’il était enfin prêt.