Ceux qui connaissent bien ma petite fille pourraient vous la décrire ainsi : elle est petite, elle parle beaucoup, elle a une opinion sur tout, elle veut toujours faire plaisir, elle a beaucoup d’imagination. Et elle adore porter des robes.
Depuis qu’elle était en âge d’exprimer ses choix et ses opinions, ma fille a voulu imposer la robe comme vêtement de tous les jours. Grâce à une cousine plus âgée, ce n’est pas sa garde-robe qui en était dépourvue. Elle en avait des fleuries, des unies, des habillées, des casual, des froufroutantes, des robes aux jupes amples qui tournent, des robes soleil, des chaudes en laine.
Si on ne lui permettait pas de mettre une robe pour quelque raison que ce soit, elle pouvait pleurer, rouspéter, argumenter. Je ne compte plus les fois où ce genre de phrases a passé mes lèvres ces huit dernières années : « Ta robe ne sera pas pratique pour grimper dans le module de jeux / faire du vélo / aller au camp de jour. »
Lui refuser le port de la robe équivalait dans son esprit à une punition. La permission de passer un dimanche après-midi dans sa robe des grandes occasions était à l’inverse aussi excitant que d’aller au cinéma ou manger autant de friandises que désiré.
Cette semaine, il y avait la photo scolaire. Ma fille est maintenant en sixième année. Quelques jours avant, je regarde avec elle sa garde-robe et je lui demande laquelle elle désire porter. À mon grand étonnement, elle me répond :
« J’aimerais porter ma tunique à carreaux et mes leggins noirs. »
Ça a été plus fort que moi, je lui ai demandé si elle était certaine de son choix, en lui montrant une ou deux parmi ses plus belles robes. Mais elle n’a pas changé d’avis. J’ai quelques souvenirs des tenues imposées lors de mes propres photos scolaires et je me suis bien promis que ma fille aurait son mot à dire sur le sujet. J’ai donc respecté son choix. D’ailleurs, j’avais remarqué que l’année dernière, elle était l’une des seules fillettes en robe sur sa photo de groupe.
Depuis quelques mois, son style vestimentaire avait changé, sans que je m’en aperçoive vraiment. Maintenant que j’y porte attention, il est vrai que les mêmes vêtements se retrouvent constamment dans la corbeille de lavage. Alors que d’autres dorment depuis un petit moment déjà au fond du tiroir. Ces mal-aimés, je le remarque, sont les paillettes, les vêtements avec animaux et autres motifs voyants, le froufrou et la tulle. Elle priorise présentement les motifs simples, les couleurs unies, les tenues décontractées.
Quand elle s’habille, elle a l’air d’une jeune adolescente, avec son t-shirt, sa veste kangourou, son leggin et ses souliers de style « Converses ».
Le matin de la photo, j’avais quand même un petit pincement au cœur. Je me suis bien gardée de lui dire, j’estime que c’est une étape normale. Et je ne dois pas perturber son développement, lui démontrer que cette façon de changer tout en subtilité vient toucher mon cœur de mère. Je suis fière et triste tout à la fois. Elle devient une jeune fille si intelligente et belle. Mais l’enfant qui court au parc, poussiéreuse d’avoir si bien joué et les cheveux au vent, n’est pas si loin pourtant.
Elle commence déjà à me manquer, ma petite fille en robe.