Dès l’échographie où l’on a appris que notre troisième enfant serait une fille, quelque chose s’est produit. La médecin a baissé la voix et elle a dit avec un ton différent que c’était une « petite cocotte ». Les jours qui ont suivis, le bruit a commencé autour de nous : « Ça va être la petite princesse de la famille! Ça va faire du bien d’avoir un enfant plus calme! Elle est chanceuse de vous avoir, toi et ses frères. Elle va être protégée! ».
En silence, je déteste tout le temps entendre ça. Ce sont des commentaires de small-talk qui se veulent gentils et je comprends. Mais je ne veux pas que nos fils soient les gardes du corps de notre fille. Ça me laisse un goût de vieilles Cheetos dans le fond de la gorge…
Premièrement, parce que ma fille n’est pas la propriété de ses frères. Je ne veux pas que mes fils la traite comme une pierre précieuse qui leur appartiendrait. Ils auront juste à se partir une collection de roches. Être ses frères, ce sera déjà bien assez. Pas besoin d’incarner d’autres voix d’autorité qui seraient paralysantes pour elle.
Aussi, je ne veux pas envoyer ce message à mes enfants que notre fille est née sans défense, incompétente ou fragile. Elle aura son propre caractère, ses propres goûts, et surtout le droit à l’erreur. Réfléchir à la protéger avant même qu’elle soit née, c’était un peu considérer qu’elle était infirme à la naissance, seulement sur la base de son sexe. De toute façon, âgée de cinq mois, elle a déjà le regard intense de Sigourney Weaver. Imaginons la réaction de Sigourney quand quelqu’un suppose qu’elle est faible.
Je me dis aussi qu’elle aura le droit de s’épanouir dans des relations sans devoir passer par « l’épreuve de la famille ». Par exemple, je suis tanné de ce cliché du premier chum qui doit affronter les mâles aggressifs d’une meute protectrice. Notre fille aura le droit de nous faire connaître les personnes qu’elle jugera importantes dans sa vie. Et elle aura le droit de compter sur notre ouverture et notre respect. Point.
Et mes fils ont d’autres choses à offrir au monde que d’être des fiers à bras écervelés. Je ne veux pas que ça fasse partie de leur apprentissage de la masculinité, cette fonction du grand protecteur musclé. La solidarité, l’entraide et le soutiens : of course. Mais de jouer les Kevin Costner à rabais, NOT.
Soyons clairs : nous sommes une famille particulièrement sauvage. Tout le monde se back, tout le monde s’aime à mort. On est comme toutes les familles, je pense. Gare à quiconque viendrait jouer avec notre patience. Mais nos fils ne seront pas les préposés à la garde de notre fille. J’espère qu’ils seront ses meilleurs amis, qu’ils riront ensemble, qu’ils la soutiendront à chaque instant, sans compromis.