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La folie impardonnable de faire un troisième enfant
Crédit: Ksenia Chernaya/Pexels

« TROIS? » dit John Doe avec des gros yeux, en faisant un signe de piasse avec ses doigts.

« Trois? Est-ce qu’il était voulu? »

« Trois? Vous aimez vraiment ça, vous mettre dans la marde! »

« Trois? L’ONU nous donne deux ans et vous, vous en faites un troisième??? »

Ouin. En attendant notre fille, on allait devoir s’habituer à recevoir ce genre de commentaires. Parce que faire un premier enfant, c’était tout un step et ça a changé nos vies. En faire un deuxième, c’était émouvant et admirable dans la face des voisins jaseux. Un troisième enfant, c’est le moment où les yeux se baissent vers le sol. Il y a un malaise.

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« Trois? Mais tu es encore aux études, non? »

« Trois? C’est quoi déjà, ton travail? »

On était loin du coeur nerveux et des nuages sous les pieds de nos expériences précédentes. Là, on nous a fait sentir qu’on exagérait. Il fallait répondre de notre folie. Mettions-nous notre famille en péril en étant irresponsables? Et puisque nous n’avons que deux bras, n’était-ce pas mathématique qu’il nous manquait les compétences élémentaires pour tenir trois mains en traversant la rue? Étions-nous en train de condamner notre couple à une relation platonique de colocataires qui ne font que se croiser entre deux devoirs et un lunch?

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« Trois? Vous savez que les forfaits pour les familles sont souvent limités à deux parents et deux enfants? »

« Trois? Alors là, j’espère que vous allez arrêter de niaiser et vous acheter une auto! »

Oui, la logistique change. Mais pour nous, de toute façon, c’est vraiment au deuxième enfant que le tremblement de terre s’est produit. À chacun son expérience, mais dans notre cas, c’est la deuxième fois qui a monté la difficulté à Very Hard. C’est à la naissance de notre second garçon qu’on a compris qu’il fallait composer, accueillir, apprendre à pleurer sans bruit. Accepter de voir le pire se produire, parce qu’on pourra réparer ensuite. À deux enfants, c’est là qu’on a reçu notre training sur « toutes les choses qui nous dépassent ». Traverser souvent le désespoir avec une petite navette d’humilité. 

Et puis voilà : Ellie, notre mini valkyrie, est née au mois de juin avec une maudite face de guimauve. Presque rien n’a changé à la maison, sauf le coeur de nos fils qui a triplé de volume. Comme quoi, parfois, il faut se faire une bulle anti-commentaires. Cette mélasse mentale m’apparaît mille fois plus lourde que tous les défis que la parentalité nous a apportés. 

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