Ce soir, j’ai embrassé mes enfants…
Tendrement, comme à chaque fois.
J’ai bécoté leur front, comme d’habitude, en leur murmurant des « je t’aime » bien sentis.
J’ai lissé leurs draps et niché leur doudou au creux de leur cou, pour une énième fois.
Ce soir, je me suis penchée sur leur doux visage, pour leur souffler un baiser maternel, avant de me mettre au lit, avant de débuter la ronde de nuit.
Et j’ai remercié la vie d’avoir des enfants aux soucis à la fois rarissimes et si peu grands.
J’ai déclaré suspendue la session de vitupération envers cette interminable, et pourtant si futile, poussée de dents.
Car ce soir, vidée du contenu de mes glandes lacrymales, j’ai pensé à nos amis, qui connaissent l’horreur et l’inconcevable, l’irréparable et l’irrévocable.
Deux ans, c’est trop tôt pour souffrir, pour partir.
Foudroyante maladie, que la leucémie.
Il n’y a pas de mots qui puissent décrire cette atrocité, cette irrégularité de la nature. C’est la détresse, pure et dure.
Ce soir, j’ai cessé de me plaindre de mon sort, de nos gastros, de nos rituels familiaux quelque peu lassants.
J’ai pensé à ce papa, cette maman; nos amis brisés, qui ne susurreront plus de « bonne nuit » à l’oreille de leur petite merveille.
J’ai pensé à ce petit corps à jamais endormi et pourtant libéré de sa douleur, et à ses parents, qui doivent désormais composer avec le néant.
Ce soir, j’ai pleuré la fin précoce d’un tracé, j’ai tempêté contre l’immuable destinée.
Ce soir, un rituel du dodo sera abandonné, un baiser de moins sera donné.
Alors j’en donnerai une multitude à mes enfants, en hommage à ce petit cœur courageux.
Et à la sempiternelle routine du soir, j’ajouterai un merci infini à la vie de me prêter ces trésors simplement assoupis, indemnes, bien en vie.