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Ma fille, la taille n’est qu’une inscription sur une étiquette
Crédit: Vinicius Wiesehofer/ Unsplash

Je vous jure, ma fille en est au tout début de son adolescence et mon cœur pleure souvent de la voir aller. Elle pose sur son corps un œil trop critique. Sensible et désireuse de plaire, elle tombe dans les pièges de l’idéal recherché à travers la beauté. 

Et pourtant, j’ai tellement tenté de tuer ça en elle. Je sais ce qu’elle traverse, je l’ai vécu moi aussi. Qu’est-ce que je n’aurais pas donné pour être grande, élancée et musclée? J’ai  beaucoup progressé pour me convaincre tous les matins que je suis une belle personne. Je suis une belle personne de par mon intensité, ma sensibilité, mon sourire coquin et mes yeux pétillants (que je n’ai jamais concédé aux tourments de l’âge adulte). 

Certes, j’ai travaillé dur pour me convaincre que je ne suis pas comme dans les magazines que je feuilletais lors mon adolescence, et que c’est bien parfait comme cela. Ce qui m’effraie autant, c’est que je n’avais pas encore commencé à me banaliser de la sorte à son âge! C’est venu plus tard pour moi. Alors que son petit corps de fille se féminise, elle me parle parfois de cette forme qu’elle espère atteindre dans quelques années: menue, peu de poitrine. Je ne sais pas quoi lui dire. Seulement, elle a l’air d’avoir pris pas mal de ma génétique lors du brassage de ses chromosomes. Elle sera à l’image de sa mère; grande comme un kid de 12 ans, mais avec des formes dignes de Marilyn Monroe. 

Sa dernière fixation est pour la grandeur des vêtements que je lui achète. Dans les boutiques pour enfants, elle habille maintenant du XL. Le premier pyjama que je lui ai choisi m’a valu des protestations. J’avais beau lui dire que XL voulait seulement dire la dernière grandeur avant de passer du côté adulte, elle semblait avoir horreur de l’association de ces deux lettres. 

Par la suite, est venue une première virée dans une boutique destinées aux adolescentes. Là-bas, ma fille s’est acheté du XS. Curieusement, elle semblait trouver beaucoup de bonheur dans l’association du S avec le X, plus que lorsqu’il fait équipe avec un L. Moi, j’avais un petit malaise devant l’allure que prenait ces tenues, parfois un peu trop « femme » à mon goût. On a imposé des limites dans le choix, ce qu’elle a accueilli très raisonnablement. Depuis, elle ne cherche qu’à magasiner dans ces boutiques. Pourtant, je vois ses yeux briller devant les pyjamas à licornes et les jupes à froufrous exposés aux vitrines des boutiques où nous allions il y a quelques mois encore.

J’ai vraiment compris lorsqu’on est allées faire l’essayage de ses uniformes pour le secondaire. Les bas sont XS. Mais, considérant sa poitrine naissante et sa poussée de croissance phénoménale des derniers mois, les hauts sont de taille S. Et je vous jure qu’on commençait à être à court d’arguments, la vendeuse et moi, pour lui faire comprendre que les XS seraient vite trop petits. Durant plusieurs jours, ça m’a trotté dans la tête. Je ne savais pas quoi lui dire, je ne me sentais pas outillée pour lui expliquer comme il faut. J’ai alors sorti plusieurs de mes vêtements que j’ai étendus sur mon lit. Puis, je l’ai fait venir dans ma chambre. On a eu cette conversation: 

 

– Est-ce que tu me trouves belle? 

– Oui, maman, voyons!

– Est-ce que tu trouves que je suis grosse?

– Non… pourquoi tu me poses ces questions?

– Pour rien. Regarde les vêtements que j’ai mis ici. Regarde les étiquettes.

 

Sans un mot, elle a fait ce que je lui ai demandé. Elle a regardé ma camisole de taille S, mon jeans 12 ans, mes shorts 7 ans, mon t-shirt XL et ma robe M. Aucun ne portait la même étiquette, aucun ne venait de la même place non plus. 

 

–  J’aime particulièrement chacun de ces vêtements. Je trouve qu’ils me mettent en valeur. Quand je les choisis, je ne me limite pas à leur taille, je regarde pour qu’ils soient confortables. De toute façon, c’est juste une inscription sur une étiquette. 

 

On n’a plus rien dit sur le sujet depuis. On a même regardé une jolie robe la semaine dernière dans son ancienne boutique préférée. J’espère qu’elle comprend. Que c’est étrange d’avoir vécu des tourments semblables et ne pas savoir comment bien parler à son enfant. Je crois avoir fait une bonne intervention, mais je suis preneuse de tous vos conseils.

Certes, il y a encore du chemin à faire, mais je suis confiante. Le monde commence à s’ouvrir à la beauté et la diversité sous toutes ses formes, et j’ai l’espoir que les adolescentes de demain seront plus outillées, plus acceptées que nous ne l’avons été.  

Ma fille est intelligente, forte et mignonne comme tout… Un jour, elle comprendra.

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