Septembre.

L'été est terminé, les journées raccourcissent, le temps rafraîchit. On trie les vêtements des enfants: on range camisoles et shorts pour ressortir les vêtements longs — ceux de l'an dernier, sans trop savoir s'ils feront cette année.

Septembre, c'est la rentrée, le retour de la routine, mais c'est aussi le début du rituel qui consiste à faire le tour des vêtements de l'année précédente et les remplacer, au besoin, par d'autres d'une taille plus grande. Ça semble banal, mais chez nous, l'exercice amène d'interminables séances de négociation sur ce qui constitue des pantalons trop longs ou trop courts. Chez nous, le rituel, c'est plutôt cette négociation. Parce que manifestement, ma progéniture et moi avons des opinions diamétralement opposées sur le sujet.

Ce devrait être simple, pourtant. Les pantalons de l'année dernière sont trop courts s'ils tombent en haut de la cheville. Il faut alors les remplacer par de nouveaux pantalons, qui eux, sont trop longs s'ils touchent le sol.

Du moins, ça, c'est mon idée de la chose. Coco et Bout d'Chou clament plutôt « Je marche dessus! » dès que le tissu des pantalons entre en contact avec leur tendon d'Achille. Parce que des pantalons qui leur touchent l'arrière des pieds, c'est achalant, c'est dérangeant, que dis-je, c'est inhumain. Par ricochet, ils jugent les pantalons qui tombent en haut de la cheville d'une longueur parfaite, et bien malin qui pourra les convaincre du contraire.

S'ensuivent donc de longues semaines de négociation en vue de mener à bien la transition, celle qui se terminera, quelque part en octobre, par un enfant qui porte des pantalons d'une longueur appropriée, au terme de nombreuses journées passées avec de l'eau dans la cave et de mille essais des nouveaux pantalons jusqu'à ce que les talons effleurés ne soient plus source de détresse.

Et on recommence onze mois plus tard.

La première édition du rituel s'est produite quand Coco avait 3 ans. Subitement, plus moyen de le convaincre d'abandonner ses pantalons trop courts. La négociation n'ayant qu'un succès mitigé, je me suis tournée vers les skinny. Parce que des skinny, ça ne frôle jamais le sol ni les talons: en cas d'urgence, ça s'accumule en plis autour de la cheville. Ça a réglé tempéré le problème. Dans le sens que la période de transition a été raccourcie. Mais le rituel persiste. Il ne s'agirait pas d'un rituel autrement, n'est-ce pas?

Bout d'Chou, sans doute soucieux d'assurer la pérennité des rituels familiaux, s'est également mis de la partie cette année. Même si j'avais prévu le coup et que son lot est déjà constitué à 100 % de skinny, même si ses pantalons de l'an passé lui font encore. Rien n'est à l'épreuve de la génétique des talons sensibles. Chaque matin, le son de petits pas accourant vers la salle de bain résonne dans le couloir. « Ils sont trop longs, Maman! » Mais non, Bout d'Chou. Ils sont juste parfaits. Ah. Bon. Air dubitatif. Réflexion le temps du brossage de dents. Esquisse de quelques pas pour sortir de la pièce, arrêt, demi-tour : « Tu es sûre qu'ils sont pas trop longs, Maman? »

La négociation se poursuit. C'est plutôt loufoque quand on y pense. Ça doit amuser les voisins de me voir déambuler avec des enfants aux pantalons trop courts tout le mois de septembre. Mais bon. Chaque famille a ses propres rituels, non?