Le 17 novembre dernier, j’étais à l'hôpital avec mon bébé de 2 mois. Deux longs mois déjà, passés au 5e étage du bloc 11. Comme c’était la Journée mondiale de la prématurité, des bénévoles faisaient le tour des chambres pour nous remettre des petits cadeaux. Une marque d’affection pour les parents dont les enfants seraient liés à tout jamais par ce début de vie différent.

 

Crédit:Crédit: Marilou Joron

Car le 17 novembre, c’est aussi une occasion de prendre le temps de penser à ces parents qui vivent, avec leurs bébés, cet évènement unique, troublant, traumatisant et difficile qu’est la prématurité. 

Pendant l’hospitalisation de 76 jours de mon garçon à l'hôpital Ste-Justine, j’en ai rencontré beaucoup de parents. Des personnes venant de partout au Québec. Des personnes de différentes origines ethniques, de différentes orientations sexuelles. Des plus jeunes, des plus vieux. Des parents d'un premier enfant, d’autres pour qui c’était le cinquième. Certains même qui repassaient pour une deuxième fois par l’unité néonatale. Mais tous avec un point en commun: la peur dans les yeux. Le drame a cette façon unique de ne pas avoir de préjugés. 

Certains font de très courts séjours; des bébés qui ne sont nés que quelques jours trop tôt ou qui ont eu une naissance difficile. D’autres font des séjours plus longs; surtout ces bébés nés à terme qui commencent leur vie avec un besoin d’opération. Et puis, il y a les autres; les parents de très grands prématurés. Ces bébés qui sont nés à 28 semaines et moins et qui doivent passer plusieurs semaines ou des mois à l'hôpital. 

On reconnaît ces parents, car ils se promènent en pantoufles dans les corridors. Ils ont des grosses boîtes à lunch pleines dans le frigo de la cuisine et les mamans n’ont pas vraiment de bedon. Et c’est dans le rythme régulier de la routine d'hôpital qu’on apprend à se connaître autour d’un café tiède, de bouteilles de Dompéridone et de cercles foncés en dessous des yeux. 

On se donne des trucs sur comment être plus confortable pour dormir sur les chaises/lits, comment avoir une meilleure production de lait. On se partage les petites victoires de nos bébés et on se rassurent quand on sent qu’ils reculent. On explique des trucs aux nouvelles et on se réjouit quand celles qui sont là depuis longtemps partent enfin. Mais surtout, on se comprend. Car malgré le bon vouloir de notre entourage, de notre famille, des nos amis, personne ne peut vraiment comprendre à part ceux qui sont dedans au même moment. 

Et puis, il y a des histoires qui sont plus difficiles. Des bébés qui sont nés vraiment trop tôt. Vraiment trop malades. Des longs séjours à l'hôpital. Des futurs lourdement hypothéqués. Et puis parfois, le pire. Trop souvent, le pire. Une lourdeur dans l’atmosphère qui hante les corridors. Et ces parents. Des parents aux yeux rougis, au dos courbé, qui se tiennent les mains pour ne pas éclater en mille morceaux. 

Alors, en ce 17 novembre, je veux prendre un moment pour tous ces parents qui ont vécu, qui vivent ou qui vivront bientôt le monde de la prématurité. Je ne peux pas vous dire que tout va bien aller, parce que ce n’est pas toujours le cas. Et la route est sinueuse, ardue. Mais je veux vous dire que vos bébés sont aimés, par vous, par nous. Et que vous le sachiez ou non, des centaines de personnes vous soutiennent et pensent à vous quotidiennement. Cette tribu silencieuse de gens qui savent.

Nous, les parents de bébés prématurés.