Cher foutu bordel, arrête de me lorgner. On ne t’a jamais dit que c’était impoli de pointer du doigt? Tu contamines toute ma maisonnée. Et le soir venu, tu t’insinues dans ma pensée, me rappelles ta présence sale et vicieuse. Quelle insolence! Arrête de me rappeler à l’ordre. C’est moi, ton patron. Je te foutrais bien à la porte, mais tu finis toujours par revenir, polisson!

N’empêche, j’en ai marre de te voir. Tu m’horripiles et me rappelles mon abonnement sempiternel à la douce procrastination.
Tu t’accumules exponentiellement et prends de l’expansion, comme mes fesses, dira-t-on. Gracias, gracieuse pagaille, pour cette si peu délicate intrusion dans notre vie privée. T’es vraiment la reine des empoisonneuses!

Tu te moques des visiteurs, vil imposteur. Ton imposture me fait passer pour une véritable directrice de porcherie. Comment oses-tu te dandiner dans ma face, vulgaire crasse? En 2020, c’est tolérance zéro pour des intimidatrices de ton acabit!

Oui, cher fouillis, tu me pues au nez. Mais sache que j’ai cessé d’utiliser mon olfaction. Réflexe de protection. Dans les dents, petit démon!
Je te vois dans ma soupe, après ma soupe et souvent, après le souper, longeant mes craques de plancher. Tu habites avec nous, mais on ne t’a jamais invité. T’es un Tanguy, tu ne finiras jamais par nous quitter.

Fait que reste. Qu’est-ce que tu veux que je fasse? Je te nettoie un peu la crasse, ici et là, au fil du temps. Je te balaie du regard, à défaut de te balayer de la pièce. Je me lessive le cerveau, pour ignorer les tas de vêtements striés de gruau.

Tout compte fait, je te sais le résultat de notre vie de fous et en fais un beau mea culpa. Je te remercie même de me rappeler à l’ordre, en matière de priorités. Quand tu exploses dans ma face, mon cœur implose de bonheur, à la place. Je te suis reconnaissante d’être fidèle au poste pour me remémorer quelle belle journée j’ai passée à gorger la tête de mes cocos de fous rires et de souvenirs indélébiles. On se façonne, finalement, des moments inoubliables en famille, à ta santé!

Alors CHEERS à toi, mon vaillant chaos!

Je te choisis en dernier, satané chantier! Je me promets de savourer la vie, avant de gérer la tienne. Je choisis consciemment de prodiguer des soins à mes petits humains, avant de soigner ta grossière apparence. Je pense à ma panse, te laissant plutôt longuement mijoter dans l’évier. J’écarte tes horreurs de mon horaire, l’instant de jouer avec mes cocos qui grandissent, tout comme toi, mais qui ont bien plus à offrir en retour.

Un jour, je m’occuperai bien de toi, manches retroussées, front bien plissé. En attendant, je m’en balance de toi. Je balance ma petite famille au parc. Et j’oublie volontairement ta présence familière, mais ô combien banale, au final.