J’ai le cœur gros. Je sens que ma tête explosera si je n’arrive pas à taire mes pensées, mes inquiétudes, mon anxiété. J’ai le cœur gros, j’ai l’impression qu’il cessera ou abandonnera son dur travail de me faire vivre, car je ne vois pas la lumière en ce moment.
J’ai le cœur gros parce que l’orthophoniste qui a diagnostiqué mon fils nous avait recommandé d’aller en clinique de développement afin de savoir si son trouble du langage ne serait pas causé par un plus gros bobo, par précaution. Et puis, pour vous épargner la douloureuse explication de la bureaucratie québécoise, c’est finalement le CLSC qui a mené un test de dépistage – un préalable – afin de déterminer si mon fils était admissible à cette clinique.
Nous nous sommes rendus au CLSC très confiants et légers, car à nos yeux, notre fils d’amour est normal, à part au niveau du langage. À la fin de cette rencontre, on nous a dit : « Je vais envoyer son dossier à l’hôpital de Montréal pour enfants (à la clinique de développement), parce qu’il présente des signes d’autisme ».
J’ai le cœur tellement gros, car on m’a projetée dans le néant, dans l’inconnu. Toutes ces questions que je me pose me rendent malade : Qu’est-ce que l’autisme exactement? Comment cela affectera sa vie, nos vies? Quels sont les signes? Quelles sont les ressources disponibles? Qui peut nous aider? Est-il vraiment autiste? Ou c’est juste un trouble de langage? Ou un trouble d’attention?
Tellement de questions, mais aucune réponse. L’attente est longue, et pendant tout ce temps… J’ai le cœur qui débat chaque fois que mon fils me fait une crise. Des fois, je crois que j’aurais préféré ne pas le savoir, qu’on n’aurait jamais dû me dire ce mot parce qu’au moins, j’aurais continué à croire que c’est son manque de communication qui le frustre. D’autre fois, je me dis que c’est bien de le savoir, car je dois comprendre qu’il y a peut-être d’autres raisons à ses crises.
J’ai le cœur en miettes parce que je repense aux doux moments qu’on a partagés depuis sa naissance. Le premier touché, la première fois que nos yeux se sont fixés, son premier sourire, son rire tellement adorable et sincère, ses premiers mots, ses premiers pas, ses premiers bobos, ses premières dents. Tous ces moments qui, en une fraction de seconde, remplissent mon cœur d’amour, de joie et de chaleur, mais se figent aussi lorsque je pense que les précieux moments que j’imaginais pour le futur ne se réaliseront peut-être pas.
Ce plaisir de le voir grandir et devenir un adulte accompli, ce plaisir de le consoler dans ses peines d’amour, ce plaisir d’assister aux games de hockey ou de soccer (peu importe le sport ou l’activité) et de pouvoir l’encourager en criant des estrades comme se veut le cliché d’une soccer mom très fière, ce plaisir d’être tout simplement témoin de ses accomplissements et d’être son point de repère dans ses échecs; tous ces moments n’existeront peut-être jamais, ou partiellement. Je ne sais pas.
Le futur n’a jamais été aussi incertain qu’aujourd’hui. Tellement incertain et insupportable que je suis paralysée de peine et de larmes.
J’ai le cœur immensément gros, car pour la première fois depuis 3 ans, j’ai peur. J’ai peur, et je ne peux qu’attendre que le temps fasse son travail. Je suis certaine d’un seul fait : peu importe le diagnostic qu’il aura, je serai toujours là pour lui, pour l’aider et l’aimer, mon beau coco.
Avez-vous déjà passé par la clinique de développement? Comment avez-vous géré l’attente et le processus avant le diagnostic ?