Tout part de soi;
La confiance.

Celle que j’ai en mes capacités de prendre soin d’une tierce personne, de devenir mère, guidée par l’amour et l’instinct, de me sentir extraordinaire, à ses yeux et aux miens.

Celle que m’accorde ma puce, naïvement, délibérément, au quotidien, en matière de sécurité et de soins.

Celle qui me façonne du courage, pour affronter le fou du quotidien ou d’accepter une autre paire de mains qui n’œuvre pas selon mon mode d’emploi.

Celle qui inhibe l’anxiété et accepte la nouveauté.
Celle qui nourrit mes projets et me fait cheminer.

À l’aube de mon retour au travail, je me piétine le cœur pour livrer le plus précieux de mes trésors aux mains d’inconnus, pourtant professionnellement reconnus.
Je dois me faire violence pour confier à autrui une grande part du devenir de ma cocotte. Maman poule projette ses insécurités maternelles sur sa poulette, alors qu’elle la saura pertinemment bien entourée, à faire mille et une galipettes.

Faire confiance, s’abandonner, sans avoir le sentiment d’abandonner son enfant.
Couper le cordon sans nous blesser, toutes les deux. Sauter dans le vide ou dans la vie?
Je sais que l’entrée en garderie sera bénéfique pour nous deux.
On a longuement mûri la décision, choisit la garderie avec conviction. On a fait une priorité, de son éducation. On a mis une croix, sur mon quotidien à moi, en tant que maman à la maison. Je salue la vaillance des mères qui en font carrière. Je vous voue une immense admiration.
Le sevrage sera pénible.
Je ne me rassasierai jamais d’elle. Mais j’ai aussi envie d’être plus que sa maman. Revenir aux sources et ne pas être que sa seule ressource.
J’ai envie d’expériences nouvelles et de la laisser autrement expérimenter.
La confronter à des défis et émotions qui la feront grandir, non sans pleurs, non sans heurts. Goûter la vie, sucrée salée.

Tout part de soi.
Avant elle, il y avait nous.
Nous nous sommes confiés l’un à l’autre. Confinés dans un amour monogame, par choix, confiants que nous nous suffirons l’un et l’autre.
Nous avons généré une petite soie, à même notre passion. Nous nous faisons mutuellement confiance.
Apprendre à voler exige ailes et risques.
Nous avons érigé une forteresse où règne respect, sécurité, admiration.

Tout part de nous.
Mais avant nous, il y avait moi.
Qui? Moi; être indéfini, mais définitivement investi, en matière de maternité.
La confiance en soi, avec le temps, se meut, se meurtrit ou s’épanouit. La mienne s’étiole au fil des jours de ce congé parental extensionné, en faveur de ce petit être que l’on qualifie d’extension de moi-même.
Elle, si douce, si parfaite.
Moi, si défraîchie, alanguie par les trop longues nuits... ou devrais-je plutôt dire archi courtes ? Malgré les maintes prouesses de ma mignonne, je lutte avec le sentiment constant d’une dévalorisation, en ce qui concerne mon rôle de maman. J’ai perdu confiance en mes capacités de raisonner et de fonctionner. J’ai envie de plus. Avarice, sur fond de varices.
Rassure-toi, bébé, te regarder me comble de fierté. Ta béatitude me contamine et me propulse, tout à la fois. Voilà le moteur même de notre familiale décision.
Maman heureuse = bébé heureux. Si cela passe par la conciliation travail- famille, pourquoi hésiter?
Tout part de soi.
La résilience.
La confiance que j’ai en mes capacités de rebondir, après ce long congé. De jouir de sa présence et de me servir du travail comme tremplin vers mon prochain épanouissement.
Nous nous brusquerons, dans les semaines à venir. Nous nous forgerons un système immunitaire à grands coups de salin.
Nous pleurerons notre séparation et nous trouverons à redire de nos journées surchargées.
Mais nous serons éventuellement bien.
Bien mieux.
Je suis confiante en ce vent de changement.
Qualité ou quantité.
Voilà, j’ai décidé.