Ce soir, j’ai le cœur qui flotte. Ce maudit rouge dans mes culottes. Déjà tant de mois et toujours rien. Qu’un vide au creux de mes reins… Les gens autour ont tous leur avis: « Faites un deuxième bébé, votre enfant grandit. » À coup d’interrogations et d’affirmations. Sans malice, mais tant d’irritations.
S’ils savaient tous ces mois, l’âme en émoi. Petite ligne rouge sur le bâton à répétition. Mes cycles qui jouent des tours pour tester notre amour. On compte sur le destin, mais en vain.
Pression sociale et douleur mentale. J’en oublie pourquoi et pour qui. J’en viens à me convaincre que c’est mieux comme ça. Si seulement mon coeur pouvait penser comme moi.
Ce soir, j’ai le cœur qui flotte. Ce maudit rouge dans mes culottes. J’ai suivi les conseils et arrêté de compter. Mais mon utérus n’est pas amnésique et vient me le rappeler…
Je me remets en question, le temps est trop long. J’imagine le pire et viens à craindre l’avenir. Je me fais des accroires, mais je perds tout espoir. Pourquoi pas cette fois, est-ce que c’est moi?
J’ai la tête qui vacille et le ventre qui se tortille. Je m’épuise à penser à ne pas trop penser. Parce que réfléchir m’amène à souffrir. À quoi bon pleurer quand on est en santé…
Je deviens une statistique parmi les statistiques. Je suis jeune et en santé, on me dit de patienter. Tout est là physiquement, il suffit d’un peu de temps. Les jours deviennent des mois, encore une fois.
Ce soir, j’ai le cœur qui flotte. Ce maudit rouge dans mes culottes. Un retard donnant tant d’espoir. À nouveau bernée, à nouveau peinée.
Ça devrait être si beau et si doux, mais ça nous mène à bout. Un an plus tard, le bedon pas rond, à se dire que cet essai sera le bon. Notre amour en devient maladroit, mon coeur en devient froid. Sensibilité masquée et larmes cachées.
On repousse les plans, comment se projeter dans un an? On vit à coup de peut-être et de si. Un petit être qui viendrait changer une vie.
Ce soir, j’ai le cœur qui flotte. Ce maudit rouge dans mes culottes.
J’embrasse ma grande fille endormie dans son lit.
Et je me rappelle ma chance inouïe.