Depuis quelques semaines, le virus nous triture l’esprit, chatouillant au passage madame insomnie, et torture ad nauseam nos cœurs et corps, test positif ou pas. Il nous essouffle, au sens propre et figuré. Il m’apparaît nécessaire, dans ce calvaire, d’ouvrir mes yeux de mère à ce qu’il y a de beau, dans ce vilain scénario. Car oui, la vie continue.

Je n’amenuise en rien la situation; j’ai les deux mains dans le jus de pandémie, comme professionnelle de la santé, et je salue d’ailleurs tous ceux et celles qui veillent au rétablissement physique, mental et financier de notre société, en direct du travail ou de leur domicile, en respect avec les consignes imposées.

N’empêche, il germe et jaillit de jolies pousses de vie, à travers cette horrible pandémie. Ici, par exemple, c’est le monde à l’envers! Dans toute cette horreur, nous avons échangé d’horaire, chéri et moi. Circonstances obligent. Et... au final, j’y prends goût! Enfiler d’autres bottines anime l’empathie et facilite le travail d’équipe!

Je m’explique; mon mari, chef de PME, jadis absent de 95% des repas familiaux, débordé par le travail, est désormais instigateur, planificateur et exécuteur de quasi tous les repas de la maisonnée. Covid vide ses coffres, invalide son poste, met en péril sa carrière, mais le rend tellement meilleur père! Il coordonne désormais les siestes, planifie l’épicerie, joue allègrement avec les enfants, gère leur tempérament. Il berce, réconforte, habille-déshabille. Il est devenu leur héros, leur mentor, leur mine d’or. Il a même eu le privilège d’assister aux premiers pas de notre petite dernière! Et il assiste chacun de mes pas, dans ce retour difficile à l’emploi.

J’ai quitté mon confortable congé de maternité une semaine et demie avant l’annonce de la pandémie. Quelle gaffe, vous me direz! Mais bien que j’ai le cœur gros, à quitter mes amours pour le boulot, bien que je sois embêtée, à l’idée d’être rémunérée en échange de soins qui mettent à risque mon entière maisonnée, je suis reconnaissante de cette opportunité.

Opportunité pour un père, si aimant, investi dans une entreprise, avec 4 jours de congé de paternité à son actif, de s’investir à présent à 1000% dans son rôle de parent. Le voilà à ma place, à saisir l’ampleur du quotidien au foyer, à découvrir les mille et une facettes de la personnalité de nos trésors confinés, à orchestrer à merveille leur journée.

Au fur et à mesure que le virus évolue, leur exposition paternelle s’accentue, leur relation gagne en solidité, mon cœur de mère s’enfle de fierté.

Et chaque matin où je quitte le confort de notre foyer pour aller travailler, j’envie ces moments qu’ils se partagent, mais j’estime qu’en mon absence, ils se façonnent un bien meilleur lien, créent de saugrenus moments de plaisir et des souvenirs indélébiles, en cette ère un peu débile.