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Être infirmière et maman durant la pandémie
Crédit: Ani Kolleshi on Unsplash

Depuis 3 semaines, ton monde a changé; tu ne vas plus à la garderie, tu ne vois plus tes petits amis, ni madame Sofia, ni madame Assia, ta routine a basculé, ton papa et ta maman se partagent les heures où ils doivent travailler ou s’occuper de toi, tu ne sors plus avec maman pour faire les courses ou aller au parc et ta maman pleure souvent, elle est moins patiente, elle a peur. Ta maman est infirmière.

Quand j’ai décidé de devenir infirmière du haut de mes 16 ans il y a de ça déjà plus de 10 ans, j’étais loin de me douter que j’y jouerais ma vie. Chaque jour, je suis hantée par la peur, celle de revenir du travail avec ce tueur invisible sur moi. Peur de le contracter moi-même par manque de matériel et de le transmettre aux deux hommes de ma vie. Je ne dors plus. Je quitte la maison vers le travail en pleurs tous les jours, ne sachant pas à quel moment je serai de retour ni dans quel état. Chaque jour, pend au-dessus de ma tête la menace d’une nouvelle organisation de travail, un nouveau quart de travail, la menace d’être déplacée dans un milieu de travail que je ne connais pas, que je n’ai pas choisi et chaque jour, à mon retour à la maison, je remercie la vie de me permettre de retourner chez moi.

On nous remercie beaucoup, mais on n’oublie jamais de nous remémorer qu’avant d’être une mère, nous étions une infirmière. Lorsque j’ai fait un enfant, j’étais loin de me douter que sa vie serait moins importante que mon travail aux yeux de plusieurs, que je pourrais compromettre sa sécurité en embrassant son front le soir ou en lui donnant une lichée de mon cornet de crème glacée. J’étais loin de me douter que j’avais donné ma vie à la profession.

Lorsque j’ai décidé de revenir au travail à temps partiel pour profiter de l’enfance de mon bébé comme je le souhaitais, j’étais loin de me douter que ce privilège me serait retiré. Que non seulement je travaillerais à temps plein, mais qu’en plus, je travaillerais tellement d’heures que je ne verrais presque pas ce petit être extraordinaire en plein développement. Et que mes moments passés avec lui seraient hantés par la peur.

Il est trop jeune pour comprendre que maman est fatiguée, que maman est apeurée, qu’elle a mal à son corps et à son âme. Je ne peux pas lui expliquer que maman a choisi d’aider les autres… plus que d’aider sa propre famille. Il est trop petit pour comprendre. Et j’ai trop mal pour lui expliquer.

Quand tout ça sera fini, j’espère que je n’aurai pas manqué les premiers pas de mon enfant, les premiers balbutiements de mots, les étapes importantes de sa vie, car ça non plus, ça ne reviendra jamais.

S’il vous plaît, restez chez vous pour que toutes les mamans comme moi puissent voir leur bébé grandir comme c’était prévu. 

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