Il y a plusieurs années, j'ai été hôtesse de caisse. Je me souviens avoir été très fatiguée et à fleur de peau ces années-là. J'avais trouvé que c'était un métier vraiment difficile : le bruit constant, la position, les lumières, le contact avec des clients pas toujours fins, les horaires... Il ne fallait pas faire d'erreur de caisse au risque de payer la différence et en plus, pour un salaire de misère. Il fallait être rapide, souriante, toujours de bonne humeur, garder son calme face aux remarques déplacées. Ah pis « ne pas oublier de proposer la carte de fidélité à chaque client ». Répéter la même phrase 120 fois par jour, sur le même ton enjoué, c’est tout un art.

Par-dessus toutes ces difficultés, le regard et l’attitude de certaines personnes me dérangeaient. je me souviens de personnes qui ne disaient pas bonjour ni au revoir. D’autres qui ne m’accordaient même pas un regard. La pire phrase que j’ai entendue, c’est celle d’une maman qui s’adressait à sa fille de 6 ans. Elle a dit : « Tu vois ma fille, si tu veux pas être caissière, il va falloir faire des études. » J'avais été estomaquée d'entendre un propos pareil. Je n'avais même pas réussi à riposter. J'ai juste fait un regard assassin, et j'ai servi la dame sans sourire pour une fois. Je me souviens m'être juré ce jour-là de ne jamais tenir un tel discours à mon enfant. 

Dix ans plus tard, j'ai donné naissance à mon fils et 17 ans plus tard, le voici commis aux fruits et légumes. J'ai toujours dit à mon enfant « qu'il n'y a pas de sot métier, il n'y a que des gens sots. » À chaque fois que je répétais cette phrase, mon fils haussait les épaules en mode « bah oui, je sais bien maman, tu me la dis 20 fois! » 

Je trouve que la COVID-19 le prouve. La situation actuelle nous met dans la face que personne n'est supérieur à personne. Tout le monde est sur le même bateau. Les grands directeurs, avocats et autres professionnels surqualifiés de ce monde sont confinés à attendre que la crise passe. Les nouveaux héros de l'heure sont le personnel médical... et les employés d'épicerie! (Eh oui madame!)

Aujourd'hui, j'ai un ado de 17 ans qui se lève tous les matins pour se rendre au rayon fruits et légumes du Metro. Il risque sa vie tous les jours pour nourrir les autres. Mon fils a un poste à haute responsabilité en temps de confinement et je suis vraiment fière de lui. Je trouve que cette période apporte au moins cette prise de conscience que TOUS les métiers ont leur importance, qu'on forme un tout, qu'on a besoin de chirurgiens dans la vie, mais aussi de caissiers.

Je l'ai toujours su, et vous?