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Ce lien spécial qui m’unit à mon fils né 8 jours après la mort de ma fille
Crédit: Unsplash

Peu avant la pandémie, notre deuxième enfant a célébré ses 5 ans. Il a eu de la chance, car le confinement ne faisait pas encore partie de notre réalité et il a donc pu profiter d’une fête remplie d’amis et de membres de sa famille.

Pour ma part, le voir quitter la catégorie des toddlers a généré un immense sentiment de fierté, d’autant plus qu’il vieillit en toute beauté. Cependant, cette nouvelle étape de sa vie m’a aussi remplie de nostalgie, car je dois avouer qu’un lien très spécial m’unit a lui, notamment puisque nous avons partagé des événements très particuliers avant même sa naissance. 

En effet, lorsque j’étais très enceinte de lui, notre fille (donc, sa sœur) est décédée dans son sommeil. Elle avait un syndrome génétique qui la rendait plus fragile, mais jamais nous n’aurions pensé qu’elle nous quitterait à un si jeune âge et de façon aussi subite.

Lorsque j’ai appris la mort de notre fille, j’ai tout de suite pensé à notre fils qui était dans mon ventre depuis plus de 38 semaines. Je me rappelle avoir crié, les mains agrippées à mon ventre, ou plutôt à mon bébé. Peut-être pour m’assurer qu’il restait de la vie en moi, et peut-être aussi dans l’espoir de trouver un quelconque réconfort. Je dois dire que j’étais partagée entre le bien-être que ses coups de pieds me procuraient, comme s’ils me rappelaient que la vie persistait à travers la mort, et la culpabilité qu’il puisse ressentir ne serait-ce que le quart de ma tristesse.

J’ai complété la majeure partie des préparatifs des funérailles de notre fille en flattant mon ventre et en espérant que mon bébé ne ressente pas trop ma détresse. La possibilité d’accoucher dans la semaine suivante me causait aussi énormément d’angoisse, puisque je ne voulais bâcler ni mon accouchement ni les funérailles de notre fille. Silencieusement, je demandais à notre fils d’attendre que sa sœur soit prête à être enterrée avant de venir au monde. Puis, je me disais que cette demande que je lui formulais tout bas n’avait aucun sens. J’avais l’impression de lui demander d’être raisonnable, alors qu’il n’était même pas encore né.

Mes souhaits ont tout de même été exaucés. Notre fils est né le lendemain du dernier jour des funérailles de sa sœur. Il avait été raisonnable. Il avait attendu, comme je l’avais imploré. Et il ne m’a jamais quittée, que ce soit en me donnant un coup de pied à l’église ou en bougeant tout doucement dans mon ventre lorsque mon mari et moi fermions le cercueil de sa sœur au salon funéraire.

Lors de mon accouchement, je pleurais la perte de notre fille et je célébrais la venue imminente de notre fils. Je priais pour qu’il soit en santé et pour que l’accouchement se déroule sans heurt. J’étais partagée entre une immense joie et une peine infinie. Après quelques heures, il est sorti de mon ventre alors que je serrais la couverture de sa sœur très fort contre moi et que je tenais la main de mon mari qui vivait des émotions tout aussi contradictoires que les miennes. À mon plus grand soulagement, notre fils était en santé. Et, surtout, il était en vie. D’ailleurs, je n’oublierai jamais son regard lorsque l’infirmière l’a posé sur moi. Comme s’il voulait me dire qu’il était heureux d’être enfin dans mes bras.

Les semaines ont passé. Notre fils se portait bien. Quant à moi, j’essayais de me retrousser les manches pour être présente pour lui. Lorsqu’il dormait sur moi, je relâchais ma tristesse en inondant ses cheveux de mes larmes. Puis à son réveil, je profitais du mieux que je pouvais de chaque moment passé avec lui. J’étais réellement reconnaissante de l’avoir avec moi, pétillant de vie et de santé.

Les années ont passé. Mon mari et moi lui avons souvent raconté son histoire et celle de sa sœur. Pour lui, sa sœur fait partie intégrante de notre famille même s’il ne l’a rencontrée qu’à travers mon ventre. Il nous parle d’elle comme s’il l’avait connue, comme si sa place dans notre famille était toute naturelle malgré son absence. J’ai aussi cette impression qu’il a compris, peut-être beaucoup trop tôt, le sens de la vie et de la mort. J’ai un fort sentiment que des fils invisibles nous relient, lui et moi, et que rien ne pourra remplacer ce que nous avons vécu ensemble. Et chaque jour, je suis touchée par sa curiosité, sa sensibilité et sa joie de vivre.

Il y a deux ans, nous avons eu un autre fils. Son histoire est plus éloignée de celle de sa sœur, mais mon amour pour lui est tout aussi grand que celui que je porte pour elle et pour son frère. Notre petit denier évoque en moi un sentiment que la vie continue malgré la mort, que notre vie se poursuit même si nous avons vécu l’impensable et que cette vie est belle. 

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