Quand on apprend qu'on est enceinte, le chemin se trace dans notre tête. Dans 9 mois, nous tiendrons notre joli poupon rose en santé dans nos bras. Dans mon cas, je m’imaginais déjà le moment où ce petit être tant attendu allait être déposé sur moi à sa sortie de mon corps; je pourrais alors l’allaiter pour la toute première fois tout en le tenant contre moi pendant des heures. Mais malgré toute ma bienveillance, tous mes idéaux de grossesse et d'accouchement parfaits se sont envolés en un instant lorsque j'ai perdu mes eaux à seulement 33 6/7 semaines de grossesse.

À partir de ce moment, le temps s'est mis à défiler à la vitesse de l’éclair; transfert de l’hôpital de ma région à un hôpital spécialisé en ville, examen par-dessus examen, puis verdit final. Il fallait un déclenchement le plus vite possible parce que petit bébé tolérait très mal le fait de ne plus flotter dans sa belle grosse piscine de liquide amniotique.

Après l'avoir mis au monde, je n'ai pas pu le prendre dans mes bras plus que 15 secondes; son petit cœur a cessé de battre. Il a dû être réanimé sous nos yeux et transféré immédiatement à l’unité néonatale, où papa l’a accompagné. Moi, je suis restée dans mon lit d’hôpital, les jambes gelées, avec un médecin qui me criait qu’il fallait continuer de pousser, car le placenta n’avait pas suivi. C'était un 19 juin, une belle journée d'été. Dans mon cœur, on était en plein mois de février; il faisait - 40 et il y avait des gros vents avec des rafales de neige.

Au cours des quelques semaines d'hospitalisation qui ont suivies, nous avons tout entendu: « Ben voyons, 34 semaines, c’est pas si pire que ça! », « Il faut en revenir de sa réanimation, il est en vie, là! », « Au moins, t’as pas eu le temps d’avoir de vergetures, c’est cool! », « Voyons, vous capotez, il n’est pas si fragile, c’est un bébé comme les autres! », « Donne-moi-le, je vais te montrer comment faire, j’en ai eu plein des enfants moi... », « Tu devrais en faire un autre, ça va te faire oublier cet accouchement-là! »

Ah oui, pas si pire que ça? Étiez-vous avec nous dans la chambre quand c'est arrivé? Oui, je sais qu'il est en vie, mais ça n'efface en rien l'image qui transite dans nos têtes en nous rappelant qu'il a passé à un cheveu de ne pas l'être. J'en rêve, moi, de me rendre à 40 semaines de grossesse, d'avoir plein de vergetures et de mettre au monde un bébé en santé. Et même si vous avez eu plein d'enfants, aucun d'entre eux n'est né prématuré. Aussi, je ne veux pas l'oublier, cet accouchement-là, parce qu'il est le début de ma plus belle histoire d'amour. Je n'ai pas envie d'une autre grossesse; après tout, qu'est-ce qui me garantit que le scénario ne se répétera pas? Moi, le sentiment qui m'habite, c'est que les premières minutes de vie avec mon bébé m'ont été arrachées.

Je crois qu’on ne peut pas comprendre cette expérience tant que nous ne l’avons pas vécue. Je sais que les gens ne veulent pas mal faire, mais ils sont parfois maladroits. Ainsi, si vous côtoyez les parents d'un enfant prématuré, faites preuve d'empathie et réfléchissez à l'impact de vos mots. Sachez qu'ils n'ont probablement pas besoin de conseils, mais plutôt de support. Offrez-leur des repas, du ménage, des sourires et surtout, évitez de banaliser la situation.

Après tout, c'est une immense chance (refusée à plusieurs) que de mettre au monde un enfant à terme et en pleine santé!