Dans ma vie, j’ai eu droit à un privilège particulier: celui de la santé. À l’exception de quelques os cassés et du retrait de mes amygdales, je n’ai pas eu à passer beaucoup de temps dans les hôpitaux avant ma vie adulte. Même chose avec mon premier garçon; une seule visite de moins de 24h à l'hôpital pour un bronchospasme. Pour ces raisons, je ne connais pas grand-chose au réseau de la santé. Ou plutôt, je ne connaissais pas grand-chose, parce qu’en septembre 2018, lorsque j’ai accouché 12 semaines trop tôt de mon deuxième garçon, j’ai été propulsée dans un monde tout nouveau et impressionnant pour moi. 

Pendant notre orientation, nous avons reçu une brochure nous expliquant les différents termes, les directives et nous présentant le personnel de l'hôpital. Au CHU Sainte-Justine, les différents corps de métier portent des couleurs différentes pour les identifier facilement. C’est dans cette brochure que j’ai découvert un métier que je ne connaissais pas: celui des infirmièr.e.s auxiliaires. Je ne me doutais pas alors à quel point ces personnes allaient avoir un impact qui marquerait le reste de ma vie.

Les premières semaines de vie d’un bébé prématuré sont figées dans le temps. Ces mini bébés sont en incubateur, sous oxygène, souvent sous une épaisse couverture bloquant la lumière, et ils doivent continuer le développement qu’ils n’ont pas eu le temps d'avoir dans le ventre de leur mère. Les unités de soins intensifs néonataux (NICU) sont très tranquilles. Ce sont des petites bulles où chaque famille s’accroche à la vie. On parle beaucoup avec les médecins, les spécialistes, les infirmières praticiennes, les inhalothérapeutes. Chaque bébé est en dyade (en groupe de 2) avec une infirmière. 

Marilou Joron
Crédit:Crédit: Marilou Joron

Puis les jours et les semaines passent, les fils et tuyaux se font moins nombreux. Et un jour, on a la chance de se faire transférer aux soins intermédiaires, cette zone tampon entre la vie d'hôpital et le retour à la maison. Cette longue période où, bizarrement, on doit apprendre à devenir une autre sorte de parent; le parent d’un petit bébé fragile. 

Dans les unités de ces soins intermédiaires, les chambres sont en paquets de 4 avec un.e infirmièr.e et un.e infirmièr.e auxiliaire. Alors que les soins médicaux se font moins nombreux, les soins parentaux sont de plus en plus importants. Et ce sont ces auxiliaires qui nous accompagnent là-dedans. Il avait beau être mon deuxième bébé, c'était mon premier bébé prématuré et tout était nouveau pour moi. J’avais si peur de lui faire mal, j’avais si peur de faire quelque chose de pas correct. 

Mais elles (et un il) m’ont accompagnée dans chacun de mes gestes; comment changer le saturomètre et les sondes, comment donner un bain emmailloté, mais aussi comment reprendre son souffle après une période difficile, comment célébrer chaque gramme et chaque millilitre, comment se retrouver en tant que parent, en tant qu’humain.

C’est avec ces infirmièr.es auxiliaires que j’ai eu de longues conversations les soirs où je dormais à l’hôpital pour essayer de mettre en place une relation d’allaitement avec mon bébé. C’est Audrey qui m’a dit de retourner à la maison le soir de ma fête et qu’elle allait bercer un peu plus longtemps mon bébé. C’est Esther qui me laissait dormir après deux boires qui ne fonctionnaient pas et qui m’a convaincue que mon bébé avait besoin de reprendre des forces. C’est Alain qui m’a donné des trucs pour aider bébé à dormir une fois qu’on devait lui enlever ses rouleaux de couvertures. Et c’est Dominique qui m’a tenu la main la fois où mon bébé avait beaucoup de difficulté à respirer et que la chambre s’est remplie très rapidement de beaucoup, beaucoup, de gens. 

Marilou Joron
Crédit:Crédit: Marilou Joron

J’imagine qu’en cette période particulière, où les parents vivent encore plus de stress, ces anges, ces forces de la nature, mais surtout, ces personnes dévouées qui sont là pour nous, les parents, et pour nos bébés, sont encore beaucoup plus importants et doivent être célébrés. 

Marilou Joron
Crédit:Crédit: Marilou Joron

Alors, en cette Journée des infirmières et infirmiers auxiliaires, je vous dis merci; merci mille fois, du fond du coeur. Vous êtes de loin celles et ceux qui m'ont le plus manquée lors de notre retour à la maison.