J’ai peur; peur que mes enfants attrapent la COVID-19, peur de l’incertitude, peur de l’avenir, peur.... de la violence. Je comprends et adopte les mesures de distanciation sociale et d'hygiène mises en place par notre gouvernement, mais je sais aussi qu'il y a un prix à celles-ci. Attention, je ne les remets pas en doute, mais j’ai une pensée obsessive pour les victimes collatérales de cet isolement.

Moi aussi, j’ai été cet enfant qui était toujours aux aguets du moindre signe de danger. Un danger qui te dévore physiquement et mentalement. D’une mère en manque d’amour et d’un père qui fait rimer amour et rage dans une ambiance de haine viscérale entre les membres de la famille.

J’ai peur; peur de ce climat dont se nourrit déjà tous ces monstres voleurs d’enfance, peur pour ces petits enfants fragiles qui encaissent sans rechigner les coups et les insultes en pensant qu’ils les méritent, qu’ils ne valent rien. Pauvre eux, pauvre moi. J’ai peur pour tous ces enfants qui sont témoins, jour après jour, de cette violence familiale.

J’ai peur; peur de la confusion entre distanciation sociale et humaine, peur des œillères créées par la phobie d’autrui. Les enfants sont ce que nous avons de plus précieux dans notre société. Ils sont vulnérables et leur parole n'est pas écoutée. Si une femme victime de violence peut appeler la police pour partir (même si nous savons tous que ce n'est pas toujours simple), pour un enfant, le processus s'embourbe souvent dans la bureaucratie. Un monstre reste un parent avant tout, certains diront.

J’ai peur; peur de la loi du silence qui profite pleinement de la situation actuelle. «Nous sommes en sécurité à la maison », scande la société. Une phrase qui peut sembler pleine de bon sens pour l’un, mais contradictoire pour l’autre. Que fait-on quand notre propre maison est un terrain miné, que chaque geste fait, ou non, et chaque parole dite, ou non, peut déclencher une explosion d’une puissance nucléaire et dévastatrice? Il existe des maisons où l'instinct de survie est nécessaire jour et nuit.

J'aimerais tant que tous ces petits anges victimes de violence puissent crier leur rage, leur douleur, et être entendus. J'aimerais tant qu'ils sachent qu'ils ne méritent pas ce qui leur arrive. Et j'ai peur; peur que plusieurs personnes soient aveuglées par le charisme des monstres ou par l'idée que ce qui se passe chez les autres ne nous concerne pas. Ou peut-être que la peur de la COVID-19 les empêchera d'intervenir?

La violence est un cancer qui nous consume, de l'intérieur comme de l'extérieur, jusqu'à notre dernier souffle. Malgré mes peurs, une partie de moi espère que des personnes ne se mêleront pas de leurs affaires, qu'elles porteront plainte pour ces petits qui ne peuvent le faire eux-mêmes, qu'elles défendront les plus faibles.

Si vous croyez qu'un enfant est victime de violence familiale ou de maltraitance, agissez. J'ai été cet enfant; je sais toute la différence que votre action peut faire. 

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