Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu une relation malsaine avec mon poids. Rien d’assez marqué pour se rendre vraiment malade physiquement, mais toujours une petite voix dans ma tête qui me répète constamment que c’est une « meilleure chose » d’être plutôt mince que dodue (alors que je sais bien que ce n'est pas aussi simple que ce que les standards de beauté voudraient nous faire croire). Pourtant, j’ai toujours été un mini format; la première dans le rang et celle assise derrière la petite pancarte pour la photo de classe. Avec le temps et beaucoup de travail sur moi-même, j’ai réussi à mettre la balance de côté et à privilégier un mode de vie équilibré plutôt qu’un nombre.

Je suis née à cinq livres et neuf onces, alors j’avais l’idée saugrenue que j’aurais nécessairement des petits bébés. J’ai eu un beau garçon de huit livres, bien juste. À la naissance, il y a eu des complications en raison d’une infection alors il a fait un séjour d’une semaine à la pouponnière après la césarienne non prévue. Ç'a un peu compliqué le début de l’allaitement. L’idée de ne pas réussir à lui fournir ce dont il avait besoin et qu’il perde trop de poids me dévastait. Grâce aux merveilleuses infirmières de la poup (comme elles l’appellent) de Saint-François-d’Assise et au colostrum recueilli en fin de grossesse que mon chum est allé chercher en superhéros dans notre congélateur à la maison, on a réussi!  

Les bébés voisins du mien étaient là surtout en raison de leur faible poids. Mon petit poupon avait l’air d’un sumo à côté d’eux. Ça me donnait un genre de fierté, une certitude que je n’avais pas à m’inquiéter pour ça : il fallait juste qu’il termine ses antibiotiques et on allait pouvoir sortir de l’hôpital. À ses suivis de six semaines et deux mois, j’avais un petit stress, mais ses beaux bourrelets me rassuraient. Un gain de 36 grammes par jour alors que le seuil était à 20 grammes! Mon orgueil mal placé était déchainé : « Wow, good job maman, ton lait c’est de la bombe! » À quatre mois, ça s’est passé autrement. L’infirmière le pèse, la face lui change. Je décode son expression. La petite voix  dans ma tête part : «C’est de ta faute. Tu n'aurais pas dû essayer d’étirer ses boires pendant la nuit. T’as skippé une journée de vitamines le mois passé. Tu n’aurais pas dû prendre ton p’tit verre de vino.»  Elle change la balance, même résultat. Elle nous dit : « Sa courbe descend un peu, il ne l’a pas complètement cassé, le docteur va voir ça. » Je suis tellement inquiète. Ce n’est pas de sa faute, elle voit une anomalie et la dénote comme il se doit.

On passe dans le bureau du médecin. Il l’observe. Il nous sourit. « Il est en pleine santé votre garçon. Il est vraiment éveillé. Vous êtes de bons parents. Bravo de poursuivre l’allaitement, c’est excellent pour lui. Il ne fait probablement que rattraper sa courbe, ça va se stabiliser. »

En arrivant à la maison, j’ai compris que cette petite voix dans ma tête était la même que celle qui a toujours critiqué mon apparence. Je m’attribuais les résultats de sa croissance, bons ou mauvais, alors qu’il y a plusieurs autres facteurs en jeux. La balance que j’avais réussi à mettre de côté depuis quelques années était revenue me hanter.

Avez-vous vécu une situation similaire face au développement de votre bébé?