Depuis le début de la pandémie, j’ai très peu écrit. Je ne me sens pas toujours bien, alors je n’avais pas envie de rajouter du négatif sur une situation déjà difficile. Mais, depuis l’annonce de la fermeture du secondaire jusqu’en septembre, je suis triste et en colère. Il y a plusieurs oubliés dans cette grande crise. De la manière dont on la vit à la maison, je trouve que les ados sont assez hauts sur cette liste. Ma fille attendait fébrilement l’annonce d’une réouverture des écoles. Septembre, ç’a été difficile à avaler. Autant d’être à la maison la rassurait au début, autant je la sens pleine de stress et d’ennui, ne sachant pas comment verbaliser, canaliser et évacuer toutes ces émotions.
Ma fille est enfant unique: enfermée avec ses deux parents pour seuls compagnons alors qu’elle a l’âge de commencer à se détacher de nous. Ses amis lui manquent, et comme ils vivent tous dans des quartiers éloignés, c’est difficile de se rejoindre au parc. Reprendre une routine et voir quotidiennement des visages autrement que sur un écran lui aurait fait du bien. Je m’inquiète un peu pour elle, je la sens fragile. De plus, je me sens impuissante à l’aider.
Je comprends les raisons qui ont mené à une telle décision. Mais, je suis quand même désabusée et en colère. Certes, nos ados sont autonomes. Ils savent l’importance de la distanciation sociale. Mais ça ne veut pas dire qu’ils n’ont pas besoin de socialiser un tout petit peu! Je me demande si on peut vraiment espérer que de leur demander de passer six mois enfermés chez eux n’aura aucune répercussion à long terme. Et puis, entre nous, si ma fille était née cinq semaines plus tard, elle ne serait pas mise dans cette catégorie « capable de s’éduquer seul.e à la maison ». Le passage au secondaire ne s’est pas fait sans heurts, elle a encore des croûtes à manger. Et pourtant, je ne remets pas du tout en doute son autonomie. C’est normal, à 12 ans, de ne pas avoir l’autonomie académique d’un collégien. Aux yeux de notre système, je suis bonne pour retourner faire tourner l’économie pendant qu’elle évolue seule à la maison pour terminer ses études; c’est ça la solution qui nous est proposée pour le moment.
En ce moment, je me sens prise au dépourvu et fatiguée. Je travaille de la maison pour pouvoir aider ma fille, mais ce n’est pas suffisant. La charge de travail et son manque d’expérience font que je dois constamment la surveiller et l’enligner. Je me sens souvent à côté de la track, incapable de tout faire avec l’attention nécessaire. L’éducation de ma fille est ma priorité des prochaines semaines. Mais je retire aussi un salaire qui doit être mérité. Ces dernières jours, j’ai seulement éteint des feux. J’excelle un peu trop dans l’art de remettre à plus tard: je sème un champs de bombes à retardement.
Quand on me dit que je n’ai qu’un enfant, quelque chose bout en moi. Ces derniers jours, je me suis sentie une mère indigne parce que je demande à ma fille d’attendre que je fasse mon travail. Je me suis sentie impatiente parce qu’elle n’avait pas fait le bon devoir et que l’échéance était passée. Je me suis sentie une employée non productive en voyant la quantité phénoménale de drapeaux rouges sur ma liste de courriels. Mon chien n’a pas pris de marche depuis longtemps, mon chum accomplit seul presque toutes les tâches qu’on se partage habituellement et je me sens coupable de m’évader pour une soirée.
Puis, on m’a dit une chose qui m’a fait du bien. Ce n’est pas difficile parce que je suis une mauvaise mère ou une mauvaise gestionnaire. C’est difficile parce que c’est difficile. Point.
C’est difficile parce que je voudrais que mon enfant vive tout ça le plus sereinement possible. C’est difficile parce que j’aimerais avoir toutes les aptitudes pour l’aider, mais que je n’ai jamais brillé en maths. C’est difficile de travailler à distance, parce que mon attention est constamment appelée ailleurs. C’est difficile parce qu’on me demande de porter plusieurs chapeaux en même temps, donc certains n’ont pas été faits pour ma tête. C’est difficile, parce qu’il n’y a que 24 heures dans une journée et que la liste des choses à faire est longue.
À tous les parents qui l’ont dur ces temps-ci, j’aimerais leur dire que je les comprends. Mille fois plutôt qu’une.
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