Je me rappelle clairement du jour où je l’ai rencontré. Je pourrais le peindre tellement le souvenir est clair. Il était le meilleur ami de mon amoureux de l’époque. Je le vois comme si c’était hier; grand, timide, curieux. Cela fait déjà près de 15 ans. En pleine nuit, sur le Mont-Royal, à observer les lumières de la ville, j’y ai trouvé le plus grand mystère sur lequel je n’étais jamais tombée, lui.
Nous avons passé des moments incroyables ensemble. Nous avons fait l’amour partout et tout le temps. Nous avons bu de la bière, beaucoup de bières. Nous avons exploré la vie avec tout ce qui peut avoir un moteur. Nous écoutions des films collés dans le lit en mangeant des Doritos. Je l’ai si souvent observé. Chaque jour, je l’ai trouvé encore un peu plus beau. J’aimais le regarder travailler sur ses machines. J’étais impressionnée de son agilité et de ses nombreuses connaissances.
Nous avons fondé une famille. La plus belle qui soit, à mes yeux. Nous avons deux petites fillettes dont nous sommes très fiers, lui et moi. En tant que parents, nous sommes une équipe incroyable, dure à battre. Il est très présent pour les filles et il m’aidait énormément à la maison. Nous avions un quotidien idéal.
Cet homme. Cet homme m’a aussi donné du fil à retordre. Inaccessible, impossible à lire, peu habile sur la communication. Il a été mon plus grand et mon plus beau défi, même si je me suis essoufflée au fil du temps. J’ai couru après lui comme une marathonienne et dès que j’ai ralenti le pas, j’ai perdu la course.
Pendant que le quotidien idéal se transformait en routine écrasante, moi, je rêvassais. Je rêvais de bâtir une nouvelle maison. Je rêvais d’acheter une terre à cultiver avec lui. Je rêvais de me marier, d’avoir peut-être un autre enfant. Je rêvais de chalet et d’étoiles filantes. Je rêvais de week-ends de pêche et de plages en famille. Je rêvais de fumer un joint et de jouer à Jokes de papa pendant une soirée d’amoureux. Je rêvais qu’il me fasse danser. Je rêvais d’aventures et de princes charmants.
J’ai peut-être confondu rêve et réalité. Le fait est que nous nous sommes perdus en chemin. Aucun de nos projets n’a jamais réellement pris forme. Mes nouveaux amis s’appelaient amertume et déception. Aujourd’hui, il est parti. Sa valise sur le pas de la porte est l’image la plus douloureuse que j’ai vue de ma vie. J’ai vu dans cette valise toute notre belle histoire me quitter. Il est trop tard maintenant pour profiter de l’instant présent et arrêter de rêvasser.
Chaque matin, je me réveillais avec le bruit de la cafetière et l’odeur du bon café chaud. Je mettais mon appareil dentaire plein de bave sur SON oreiller. Il entrouvrait le rideau de la chambre pour que l’éclaircie de soleil me réveille un peu plus. Avant son départ, j’avais droit à l’habituel : « Bon bien faut que j’y aille, bye, bonne journée, je t’aime ».
Moi, j’ai osé appeler cela des miettes.