Bébé n’a que deux mois. Bébé a déjà deux mois. J’ai l’impression qu’elle est là depuis toujours. C’est littéralement le plus long « deux mois » de toute ma vie, il dure depuis des mois! Ça plus le confinement, on dirait qu’une année complète s’est écoulée.
À ce moment, je vais consulter en physiothérapie périnéale et je reçois le go tant attendu: je peux réintégrer l’activité physique. Oui, j’ai pris mon lot de marches (qui n’a pas marché au printemps 2020, anyway?!), mais rien ne remplace un bon workout plein d’endorphines.
C’est un game changer: je commence à prendre le rythme. L’été arrive, le confinement est levé, je peux recommencer à exister.
Bon. Le choc demeure, quand même : j’existe, mais pas comme avant. J’ai le temps de prendre ma douche et manger, alors qu’on m’avait assuré le contraire, mais toujours en vitesse et pas nécessairement au moment que j’aurais préféré. J’existe, mais selon une certaine gymnastique qui se prête aux besoins changeants de mon bébé. J’existe, mais mon nombril en a pris pour son rhume : ce n’est plus à propos de moi. C’est à propos de bébé. Et encore, j’ai reçu un modèle très facile d’utilisation. C’est ma petite tête qui est difficile à gérer.
L’activité physique me donne presque des ailes. Même si je suis gauche et faible, je retrouve un semblant de routine, mes matins sont orchestrés autour de ce temps précieux et bébé semble s’adapter à ces moments. Oui, elle demeure la priorité, mais c’est MOI qui fait l’horaire. Mon mouvement, ma thérapie, ma libération. Pas anodine, la différence que font ces minutes sur ma journée.
Oui, je me dis encore parfois que je n’y arriverai jamais. Oui, j’en ai parlé à mon médecin, en long et en large, espérant, pour être honnête, qu’elle me prescrive des p’tites pilules pour me libérer un peu. Mais non, avis médical, je n’en ai pas besoin.
Au moment où j’écris ces lignes, bébé a 7 mois et quelques. Seulement. Déjà!
À la moi d’avant, aux futures mamans, à quiconque a réussi à se rendre jusqu’ici dans sa lecture, je veux le dire avec toute la sincérité du monde: ça va aller. Ça va être tough, ça va être bouleversant, mais ça va aussi passer. On se fait constamment dire de profiter de ces moments avec bébé. Et rien n’est aussi vrai que cette affirmation: profitez-en, de votre petit bébé, remplissez jusqu’à la lie votre cellulaire de photos et de vidéos de chacun de ses moindres gestes. Même lorsqu’il fait terriblement noir, ces flashs de sa petite vie vous illumineront dans les semaines et les mois à venir. Même lorsque chaque jour semble un copié-collé d’hier, d’infimes changements sont en mouvance. J’ai cligné des yeux et mon nouveau-né endormi, si peu photographié, était une boulette joyeuse qui hurlait de joie.
J’ai pleuré un nombre incalculable de fois dans les derniers mois, mais chaque crise a fini par passer. Chaque nuit écourtée, chaque moment de panique, d’inconnu, de perte de contrôle, chaque moment de détresse, ils ont tous eu une fin. Mon bébé grandit et cette époque précieuse où je suis son pilier, sa source de réconfort, où elle enroule ses petites mains autour de mon cou, de mes bras, s’accroche à mes bijoux et à mes cheveux, tout cela passera. Les gazouillis ne sont pas éternels.
Chaque jour, chaque seconde, tout passe. Et tout devient un souvenir doux-amer terriblement cruel: les moments les plus bouleversants et terrifiants de mon existence sont aussi les plus magnifiques.
J’écris ces lignes en étalant mes entrailles devant vous, humblement. Je pensais être faite bien forte, mais j’ai l’impression d’avoir découvert cette nouvelle vie plus brutalement que bien des mères de mon entourage. J’ai l’impression d’être si fragile mentalement, de réagir si fortement à tout cela. Et pourtant, pour d’autres aspects de ma nouvelle réalité, je suis tellement plus détendue qu’on me l’avait prédit. C’est à n’y rien comprendre.
Et c’est là que réside l’essence même de la maternité, selon ma révélation: c’est à n’y rien comprendre.
À la question « pis, comment c’est, avoir un bébé? », j’ai répondu plusieurs fois que c’était overraté. La reproduction est ben ben ben valorisée, comme si c’était une preuve de maturité, de sérieux, d’accomplissement. Les gens sans enfants (surtout les femmes) ont souvent droit à des commentaires condescendants, à des « ah, tu vas voir, tu vas changer d’idée… ». On en fait un incontournable pour réussir, on dirait. Mais c’est un gros bouleversement qui mérite d’être sérieusement considéré, mûri et réfléchi.
Je ne le savais juste pas, je me disais que ça ne devait pas être si intense que ça. Oh, quelle erreur. C’est d’une intensité inégalée et inégalable, pour le meilleur et pour le pire. Ma vie était bien nice et réussie avant aussi. J’aurais continué d’avoir une bien belle vie sans ces explosions émotionnelles inimaginables, et ç’aurait été bien correct aussi. Je ne sais pas si avoir su, je l’aurais fait.
Oh, on me remettra rapidement à ma place: « attends que ton bébé ait X mois, X années, tu vas en vouloir un autre », les gens savent toujours mieux que nous-mêmes ce qu’il en est, mais reste que non, pas sûre que je l’aurais fait. Certes, maintenant que je l’ai rencontrée, que j’ai la chance de flatter sa petite tête et de voir son sourire chaque fois que j’apparais devant elle, le retour en arrière est impossible sans une perte invivable. L’inconnu serait demeuré mystérieusement attirant et peut-être que dans 10 ans, j’aurais regretté d’avoir laissé passer l’occasion, qui sait.
Ces premiers mois furent marquants. Je lève mon verre à tous ceux qui s’en viennent. À la moi du futur, aux futures mamans qui aurez bientôt la chance de rencontrer la merveille qui se tisse en vous, profitons-en. À ceux qui hésitent ou dont le choix est sûr, je vous dis en conclusion: profitez-en aussi. Quel que soit notre choix, il va être tough par bouts, merveilleux par d’autres et le temps file.
J’entends bébé qui grince dans son sommeil. J’entre bientôt en scène à nouveau, quelle chance!
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