À l’école, Coco ne fait rien. Il ne voit personne. Il n’apprend rien. Du moins, c’est qu’on serait porté à croire quand on le questionne sur ses journées. As-tu appris quelque chose? Avec qui as-tu joué? Qu’est-ce que tu as préféré? Avais-tu un cours d’édu? « Non. » « Personne. » « Rien. » « Je sais pas. » Coco est en 2e année, et c’est comme ça depuis la maternelle. S’il ne savait pas aujourd’hui lire et écrire, je me demanderais sérieusement s’il fréquente l’école ou s’il se sauve du service de garde tous les matins. Autrement, comment expliquer cette incapacité à offrir la moindre bribe d’information?

C’est la même histoire si je pose des questions bien ciblées sur des travaux qu’il a sous les yeux. L’enseignante indique qu’il n’a pas suivi les consignes données. Quelles consignes? Ce n'est pas que Coco ne sait pas, non : il m’assure plutôt que l’enseignante n’a donné AUCUNE consigne. Il revient de l’école avec une feuille avec des cases vides. Doit-il remplir cette page et la remettre? Il n’a aucune idée. L’enseignante a-t-elle parlé de cette mystérieuse feuille en classe? Non, pas du tout. Je vous le dis, cet enfant-là ne va pas à l’école.

Au bout de quelques semaines, il devenait difficile d’aider Coco dans ses travaux dans ce néant d’information. Nous avons donc envoyé à l’enseignante une note dans le facteur. La note nous est revenue intouchée le soir. Bon, mon chum l’avait rédigée sur une feuille mobile qu’il avait pliée en trois. L’enseignante ne l’avait peut-être pas vue. Nous avons déplié la feuille pour la renvoyer le lendemain. Toujours pas de réponse. Le travail en cause était à remettre le jour suivant, si bien que nous avons laissé tomber.

Nous avons fait une nouvelle tentative lorsque nous avons reçu l’évaluation de l’enseignante sur ce travail, Coco étant évidemment incapable de nous éclairer. Cette note, comme l'autre, nous est revenue sans réponse à la fin de journée. Ce soir-là, nous avons tenté d’en apprendre plus sur la gestion du facteur dans la classe. Coco, est-ce que Madame Julie ramasse les facteurs? Est-ce toi qui dois lui remettre le contenu? Est-ce que c’est fait tous les jours? Seulement quelques fois par semaine? Échec retentissant, bien sûr. Pourtant, les contrôles signés que je glisse dans le facteur disparaissaient. Comment? Coco n’avait aucune explication à fournir. Il aurait pu les brûler dans la cour d’école, ou Madame Julie aurait pu agiter une baguette magique pour les récupérer sans contact : à voir ses grands yeux ébahis, aucun scénario ne semblait improbable.

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J’ai donc pris les choses en main. J’ai obtenu l’adresse courriel de l’enseignante auprès du secrétariat et je lui ai écrit. Je me doutais bien qu’elle ne nous ignorait pas délibérément! Elle m’a répondu, étonnée, qu’elle avait précisé aux enfants qu’ils devaient lui remettre les notes déposées dans le facteur, qu’elle n’avait effectivement rien reçu de notre part et qu'elle en reparlerait avec Coco. Ce soir-là, on a encore tenté de tirer les choses au clair avec Coco, mais c’était peine perdue :

Coco, madame Julie dit que c’est à toi de lui remettre nos notes.

« Je sais pas. »

Elle ne vous l’a jamais dit?

« Non. »

Et aujourd’hui, elle n’en a pas reparlé avec toi?

« Non. »

Coco, est-ce que tu savais qu’on mettait des notes pour madame Julie dans ton facteur?

« Oui. »

Et tu savais qu’on se demandait pourquoi on ne recevait pas de réponse?

« Oui. »

Mais mon grand, comment penses-tu que madame Julie peut nous répondre si tu ne lui remets pas nos messages?

« Je sais pas. »

Manifestement, il n’y a rien à faire. Il y a toute une section du cerveau de Coco qui se paralyse et devient inaccessible dès qu'il quitte le terrain de l'école, et ça ne sert à rien de se battre contre ça. Pour compenser, on a Bout d'Chou, qui a commencé la maternelle cette année, qui lui nous raconte ses journées dans le détail en s'interrompant à peine pour reprendre son souffle. En fait, c'est grâce à lui que nous apprenons cette année des choses que Coco a lui aussi faites en maternelle. Dans deux ans, donc, on devrait être en mesure de démêler ce qui se passe dans la classe de deuxième.

En attendant, quand je voudrai discuter avec un enseignant, j'utiliserai le courriel.